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VIII



Tu bavardes, le soir, mon cœur, avec des ombres,
De douces ombres simples qui ne te craignent pas.
Touchant ta peine, à peine, de l’ombre leurs doigts,
Pleurant des larmes claires de leurs prunelles sombres,
Berçant avec des mots la douleur de ta voix.

Tu bavardes et ris d’un rire d’enfant pauvre
Devant l’humble brouillard fleuri des graminées
Qui doucement s’ébranle à son souffle affamé,
En attendant qu’un dieu, du blé ou de l’épeautre,
Fasse un pain gris ou blanc pour sa faim consolée.

Mon cœur, tu m’es plus doux que le plus doux des livres,
Les soirs où, fatigué de l’attente divine,
Tu t’endors comme un simple au bord d’une eau de cygnes
Et laisse tes beaux Rêves, par la faim rendus ivres,
Perdre leurs plumes sombres, sur la mare, dans l’ombre…


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