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le mot de Dieu perd tout son danger, aucun outre ne pourrait le remplacer. » — Nous voila pleinement d’accord.

La philosophie de l’histoire, dit-il encore, est la fln et le couronnement de toutes les philosophies. Et il ajoute : « La fin de la religion sera la fin du monde. » Pour nos temps, « l’idée de nouveau cherchera à s’incarner dans une image ; la conscience humaine s’affirmera dans un nouveau symbolisme, c’est-à-dire dans une nouvelle religion. » — Se doutait-on que Louis-Xavier de Ricard est, même en ce sens, un de nos précurseurs !

Ce qu’il combat avec une énergie indomptable, c’est la fausse religion, j’entends, et lui aussi, les théocraties qui furent toujours les ennemies des peuples ; c’est elles qui auraient détruit l’idée de Dieu, si pareille idée n’était indestructible ; c’est elles qui ont entretenu ou sanctionné la tradition de l’idée unitaire exclusive, de la fatalité, principe de tous les despotismes, — cette idée perpétuée aussi dans notre siècle par la bourgeoisie cupide, débauchée, césarienne, el sceptique, « d’un scepticisme épais, rusé et brutal, ricaneur, goguenard, henét. » Contre la doctrine fataliste et contre la bourgeoisie autoritaire, le peuple doit se lever, pour la liberté par le fédéralisme.

Il explique à fond celle alliance de la bourgeoisie et du catholicisme. Ce sont deux alliés à détruire ensemble. Mais seul pourra l’accomplir le principe de pluralité, dont la première application sera probablement la renaissance de la pléiade latine, la fédération des races latines, qui restaurera dans le monde les institutions fédéralistes. Il est même de bonne guerre d’opposer aux pharisiens modernes, le royaume de Dieu, ce rêve de Jésus et des premiers chrétiens qui fut l’idée d’égalité et de fraternité.

La bourgeoisie a fait dévier l’œuvre des communes. Or, la commune, c’est la base du fédéralisme, et avec elle, le canton, le pays, la province. La liberté, que nous n’avons pas, réside là seulement, tandis que le régime représentatif, tel qu’il existe, façonné par et pour les bourgeois, est un leurre. Ce qu’il faut, dit Ricard, c’est une organisation politique fédérale où « la souveraineté populaire est toujours en activité, s’exerce continuellement, montant de la commune au conseil exécutif, redescendant à la commune. » Et il établit le sommaire de ce plan politique de fédéralisme.

Ensuite il résume l’état social présent, montre que la tradition bourgeoise centraliste et unitaire, est incapable d’assurer la liberté, et que seul le peuple, ayant préparé le fédéralisme au cours des siècles, peut le fonder. Il rappelle aussi que les historiens ont fort néglige le midi. L’histoire romane est à dégager, ainsi que son idée fédérative, qui fut tenace sous tous les écrasements, car elle a pour destin d’aboutir à la fédération des peuples latins. La renaissance méridionale au XIXe siècle est le prélude des institutions fédéralistes, — qui ne sont pas séparatistes.

Il est prudent, en effet de préciser la pensée de Ricard. Le fédéralisme n’est pas le séparatisme. Il s’agit de rendre vigueur et liberté aux provinces, en conservant un organisme central dont le rôle est de veiller aux questions générales. Décentralisation et centralisation sont deux modes nécessaires.