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tension énergique d’une révolte qui ne veut rien savoir, rien discuter. Cependant la nature devient tout à fait sage :


L’âme des anciens dieux ne meurt pas tout entière ;
Et, chacun contenant un peu de vérité,
Reparaît transformé dans la jeune lumière
Qui l’épure et l’absorbe en sa sérénité.


La voilà, l’histoire, la vérité ; et bien que le poète, dans le crépuscule, voie s’évanouir les dieux, il sait donner l’homme ces bons conseils :


Certes, tu peux, tu dois, ô pèlerin des âges,
Une lampe à la main, plonger dans le passé,
Où des traditions le fil est enlacé ;
Heurte sur les tombeaux ton bâton de voyages.
Sonde, en tous leurs replis, ces pays de la mort :
Dans la cendre des temps dorment des étincelles
Qui peinent, éclairant les routes de ton sort
Fournir à tes flambeaux quelques clartés nouvelles.
Le savoir du passé guide vers l’avenir ;
Tu te connais toi-même en connaissant tes pères :
N apporte point contre eux ces haines, ces colères,
Dont usa trop souvent ce temps qui va finir.
....
Ô dieux ! malheur à ceux qui s’en vont par les routes
Lapidant vos autels et raillant vos tombeaux ;
L’amour et le respect sont les deux seuls flambeaux
Qui puissent éclaircir les ténèbres des doutes.


L’homme ?


Il veut de votre lèvre apprendre son passé ;
Pour lui, vous admirer, c’est s’admirer lui-même :
Il vous porte avec lui, sans haine et sans blasphème,
Ainsi qu’un vieux trésor lentement amassé.


Pourquoi donc le poète a-t-il donné l’exemple des destructions ? Pourquoi dit-il cela si tard, et, le disant, ne barre-t-il pas ses précédents anathèmes ? C’est qu’il croit que les dieux ne parurent qu’aux premiers âges, et que la nature a des revanches à prendre ; il ne peut voir, pris dans les rails de notre temps trop exclusivement négateur, que la nature ne se relèvera jamais plus au degré de ses antiques splendeurs, que l’humanité a accompli plus de la moitié de ses destins, et qu’il est bien tard, quand on s’en va vers le cimetière, même encore lointain, pour essayer de se passer de Dieu. Jésus marque le sommet de la marche de l’humanité ; depuis lui, nous descendons, nous descendons…

Le Crépuscule des dieux n rassemblé, en sa synthèse, la philosophie de Ricard, qui, pour auxiliaire, annonce le règne de la femme :


Voici, voici venir le règne de la femme !
Elle pose les pieds sur notre race infâme,
Et le souffle puissant des saintes libertés
Va dessécher soudain nos marais infectés.