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Et le poète, maudissant les sicaires des prêtres et des rois, appelle la liberté : qu’elle écrase tous ces nains, et brille sur l’humanité debout.

Entrons en ces pages de repos, de douceur : À mademoiselle Lydie Wilson, écrites en octobre 1843, et parues en avril suivant dans la Revue du Progrès, qui avait publié beaucoup des pièces du livre. Le voile se lève sur l’humanité de ce cœur, pressentie dans ses vers de combat :


Songez donc, jeune fille, aimez bien la nature,
Et voyez une sœur dans chaque créature.
D’infiniment petits pour nos yeux sont perdus ;
Mais de plus grands que vous vous restent inconnus,
Ayant au-dessus d’eux de plus puissants qui règnent :
Ainsi donc, pour ne pas que ceux-là vous dédaignent,
Ne méprisez jamais ceux qui vivent sous vous :
Soyez bonne pour eux, et douce : — aimez-les tous,
Tous l’insecte et la fleur, tous, l’animal et l’homme,
Entre le plus puissant et le plus mince atome,
Et soyez, les aidant de soins et de conseils,
Mère pour les petits et sœur pour vos pareils !


Ricard inscrit un souvenir à Antony Deschamps. D’autres vers : les Volcans, appel grondant contre les infâmes, sont dédiés à Verlaine. En une aspiration indéfinie, il compare son âme à la mer, sombre mais sans souillure, dont il faut pardonner les bonds et les colères :

Je suis l’être agité
Qui ne puis plus trouver paix ni tranquillité.


L’orage n’est plus seulement sur sa tête, mais en lui-même :


L’aquilon bat mon âme, et, sombre et courroucée,
La vague du combat hurle dans ma pensée !
Et, penché sous mes dieux, Juif errant du progrès,
Toujours je veux aller sans m’arrêter jamais.


Ah ! que l’aimée, loin de l’accuser, le suive plutôt, qu’elle vienne avec lui au sommet du Sinaï nouveau ; alors :


La Pensée, bénissant la vigueur de son aile,
poussée à l’infini par un souffle d’amour,
Sombrera jusqu’au fond, dans sa source éternelle,
L’insondable splendeur du jour.
. . . .
Dans l’infini, nos pieds fouleront les étoiles
Comme ou foule le sable au vaste Sahara ;
Nous interrogerons la nature sans voiles ;
La nature nous répondra.


Et ce qu’elle dira, c’est que l’amour — l’amour auquel souvent revient le poète : nature et paganisme alliés dans ce tempérament extrême — est le fluide sublime qui verse en tout, la vie.