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précision de pensée et de lyrisme d’expression, l’invincible principe républicain, et toute mon âme venue du creuset de la Révolution française, forgée sur l’enclume sanglante de la Commune, tressaille de joie à sentir, à faire vibrer sous mes doigts cette lyre d’airain que je reconnais, fraternellement.

Les Luttes (livre deuxième) sont dédiées au grand lutteur littéraire du XIXe siècle,

À Victor Hugo


Ô poète, salut ! le siècle est plein de toi :
Ton génie a vaincu l’indifférence humaine.
Le front haut, le pied sûr, et le cœur sans effroi,
Il entre dans la gloire ainsi qu’en son domaine.

Ta poésie ouvrant ses deux ailes d’airain,
A pris pour piédestal les foudres des orages.
Et fixe son regard lumineux et serein
Sur la houle lointaine et confuse des âges.

Elle voit tous leurs flots s’enfler et moutonner ;
Et cabrant son front vert qui tourbillonne et fume,
Chacun, pour t’applaudir et pour te couronner,
Semble tendre vers toi ses guirlandes d’écume,

Que n’ai-je une couronne à te donner comme eux !
Mais ma muse, humble et fière, est la vierge pudique
Qui dans un réseau d’or enferme ses cheveux
Et jusqu’à ses pieds blonds déroule sa tunique.

Aucun regard encor n’effleura son sein nu ;
Jamais les passions n’ont dérangé ses voiles ;
D’un amour patient elle aime l’inconnu :
Les langueurs de ses yeux ne rêvent qu’aux étoiles.

Ah ! si l’on lui laissait l’ombre verte des bois.
Elle irait y cueillir des bleuets et des roses :
Et, comme un souvenir, reviendrait quelquefois
Disposer à ton seuil leurs guirlandes éclose,


Debout sur la montagne, le poète contemple la cité, qui étouffe l’avenir ; il lui oppose l’esprit nouveau planant déjà sur l’horizon ; solitaire, il tend son mépris et sa haine contre la société, protectrice des lâches. Depuis le commencement du livre, c’est un torrent qui va, creuse droit son lit, un torrent d’idées contenu par la fierté d’une poésie active mais rigoureusement domptée. C’est aussi comme une strophe unique, infimiment variée, qui passe, vous emmène en un galop de cavalerie puissante, ordonnée, sans fanfares qui éclatent, sans gestes exaltés, mais si tenace en sa course égale et volontaire ! Et voici le chef de cette moderne chevauchée :


Comme d’une tunique, il est vêtu de gloire ;
Tout caparaçonné d’une étrange clarté,
Son cheval frémissant, fait trembler l’ombre noire
Quand il hennit d’amour après la liberté !
.     .     .     .     .
Il est le gand vainqueur, et son nom est : l’Esprit !