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notre planète

la cellule, il se régénère. Il est proprement un individu, ni plus ni moins merveilleux que l’élément histologique.

Puisque nous ne découvrons de toutes parts que d’irrépressibles écoulements de phénomènes enchaînés, pourquoi nous émerveiller spécialement d’un passage déterminé dont l’embarras particulier est d’un retardement dans nos moyens de connaître ? Selon l’état de la connaissance tout sera « miracle », ou non, des évolutions élémentaires. La science n’est que de « miracles » en lesquels se rejoignent l’antécédent et le conséquent.

En résumé, de l’interprétation théologique du monde à l’observation positive, la différence maîtresse est que la connaissance expérimentale se trouve en accord avec toutes les manifestations des phénomènes, tandis que la transposition imaginative se voit, à tout moment, contredite par les résultats de l’observation. Point de place ici pour le surnaturel. Ce mot n’a pas de sens aux champs de l’objectivité.

Pour expliquer l’apparition de la vie, une métaphysique, d’apparence positive, avait inventé le terme le plus impropre, en parlant d’une « génération spontanée ». Puisqu’il n’y a dans le monde qu’une loi de causalité, la génération du plasma de la cellule circonscrit d’une membrane, au travers de laquelle s’établissent tous échanges d’assimilation, ne procède pas plus spontanément d’elle-même que le cristal ne peut venir de soi hors du phénomène antérieur qui l’a commandé. Nous voyons que les mers primaires ont mécaniquement déposé des sédiments où les affinités chimiques se sont exercées. Nous voyons que les affinités biologiques ont fonctionné à leur tour dans les milieux ainsi produits, et nous voyons enfin que tout cet enchaînement de chimie et de biologie est d’un engrenage dont aucune partie ne peut être rompue.

Des études plus approfondies nous conduisent déjà à considérer comme purement subjective la distinction entre « l’état inorganique » et « l’état organique ». Jusqu’ici, certaines propriétés semblaient le privilège de la matière vivante. La cellule est notamment susceptible d’extraire du milieu ambiant les éléments nécessaires à sa nutrition en vue de synthèses qui font l’admiration de nos laboratoires. Rien d’analogue dans le règne inorganique, où le cristal, pour grossir, doit trouver directement dans l’eau-mère, la substance qui le constitue. C’est sur les passages