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au soir de la pensée

Je n’ai pas à poursuivre dans le domaine sans fin des enchaînements de la paléontologie. Chacun peut s’y engager sous la ferme conduite de M. Albert Gaudry, dont la formule générale est celle-ci : « Chaque assise a vu apparaître des êtres qui la distinguent de l’assise précédente ; elle en a vu mourir d’autres qui la distinguent de l’assise suivante ; enfin plusieurs espèces se sont continuées, servant de lien entre les âges plus anciens et les âges plus récents. La force créatrice, ou modificatrice,[1] semble avoir été toujours en activité ». Après quoi, nous entrons dans l’étude des granules du vitellus et du sarcode qui va nous mener jusqu’aux profondeurs de toute vie organisée.

Résumant l’admirable labeur de sa vie, M. Albert Gaudry conclut sans hésiter : « Si je crois à la parenté de genres distincts, je crois aussi à celle d’animaux d’ordres distincts. En effet, je vois des ruminants et des solipèdes remplacer des pachydermes qui s’en rapprochent tellement que nul ne peut tracer la limite des pachydermes, des solipèdes et des ruminants… C’est déjà un curieux résultat de découvrir des parentés là où nous n’apercevions que des entités isolées les unes des autres… Il y a eu, dans l’évolution des êtres, beaucoup d’inégalité. De nos jours, à côté des ruminants les plus modifiés, tels que les gazelles on voit des ruminants qui ont peu dépassé le degré d’évolution des pachydermes. »

Sur les correspondances de subjectivité et d’objectivité qu’exprimnent nos classifications de genres, d’espèces, de familles, d’ordres, de classes, que sert-il de débattre ? Toutes interdépendances d’organes veulent toutes interdépendances de fonctions, et chaque existence évolue nécessairement sous des lois et dans des conditions conformes à celles de ses congénères. Nos classifications, interprétatives de ressemblances et de dissemblances coordonnées, ne font que marquer le point où des jalonnements de repères nous facilitent la compréhension d’un mouvement de passages On le voit assez par l’éternel changement de toutes classifications au fur et à mesure des découvertes nouvelles. N’en est-il pas ainsi dans le monde inorganique même ? Où en sont aujourd’hui tant de classements oubliés ?

  1. C’est moi qui souligne.