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notre planète

tions du prochain devenir. La disparition des énormes oiseaux de Madagascar et de la Nouvelle-Zélande date de notre dix-huitième siècle seulement. En une multiplicité de formes attestées par les débris du squelette, les mammifères apportent d’innombrables manifestations de ces enchaînements relevés avec tant de force par M. Albert Gaudry.

À côté des premiers mammifères du tertiaire, des types synthétiques se présentent en des formes préparatoires des mammifères actuels. Je renvoie à M. Boule pour des indications qui m’éloigneraient trop de mon sujet. Je citerai seulement le phenacodus, taille d’un loup, couronne dentaire formée de tubercules, membres réunissant les caractères du carnassier, du rhinocéros ou du cheval. Nous avons des séries de crânes de rhinocéros dont les caractères déterminants s’échelonnent selon les terrains où ils ont vécu, depuis le rhinocéros à fourrure du quaternaire de Sibérie, en passant par ceux du pliocène de France et d’Italie, du miocène supérieur de Grèce, du miocène inférieur d’Orléans, jusqu’a l’oligocène d’Auvergne.

Il faut bien s’arrêter encore à l’évolution si remarquable des chevaux ou solipèdes, que nous verrions apparaître de toutes pièces si leur formation était « indépendante », tandis que nous possédons une série de formes où se précisent successivement, dans le type général de structure des mammifères, les développements caractéristiques du solipède. Les remarquables spécimens du Muséum américain, complétés par ceux des galeries d’Europe, nous font voir « comment de petits animaux à cinq doigts ont pu grandir et devenir des animaux coureurs à un seul doigt, en même temps que leurs dentitions omnivores se transformaient peu à peu en dentitions herbivorés »[1]. Voyez dans le manuel de M. Boule la si remarquable série des types solipèdes qui se succèdent avec les terrains, en manifestant les caractères décisifs d’évolutions coordonnées. Pattes à cinq doigts dans l’éocène inférieur, réduits plus tard à quatre dans la patte antérieure. Trois doigts fonctionnent et un rudiment du cinquième dans le miocène inférieur Le doigt médian prédomine au miocène supérieur, tandis que les doigts latéraux ne touchent plus le sol. Enfin, au pliocène, les doigts latéraux ne sont plus que d’inutiles

  1. M. Boule, Manuel de paléontologie.