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l’atome

veulent des interprétations nouvelles de phénomènes nouvellement observés. Le grand public reste nécessairement loin des laboratoires, et la métaphysique a fait de son mieux pour le dégoûter de la philosophie. Cependant, c’est au commun de l’humanité, à ses élans de prime saut dans le fourré des traditions inextricables qu’aboutissent tous les essais d’accommodations mentales où l’empirisme des méconnaissances nous a, d’abord, fait trébucher à chaque pas. Ardente à renouveler ses formes d’ignorance et résistant le plus longtemps possible à d’autres changements que de mots, la médiocrité passive attend, dans les détours de la connaissance et de la méconnaissance confondues, les signes d’une rénovation à venir au travers des fameuses cloisons derrière lesquelles il se passe on ne sait quoi.

Cependant, nos savants s’effriteraient d’académisme sans le concours des vulgarisateurs à leurs talons[1]. C’est pourquoi l’Association britannique pour l’avancement des sciences, dont le haut mérite est universellement reconnu, ne dédaigne-t-elle pas de s’adresser annuellement à la publicité des foules pour leur faire directement ses communications scientifiques, et les tenir en éveil aux cris de ralliement des sentinelles avancées. Je viens justement de lire dans le Times une très belle conférence de sir Ernest Rutherford à Liverpool sur la structure électrique de la matière, en séance publique de l’éminente association. Puisque le public est saisi, mes hésitations se trouvent levées. D’un exposé scientifique, point d’affaire. Quelques sommets d’indications.


L’atome d’aujourd’hui.


La théorie atomique imaginant un état ultime de la matière doué de propriétés inconnues, remonte, comme on sait, aux premiers temps des grandes généralisations. Avant de le ren-

  1. La vulgarisation, qui est de tous degrés, ne se trouve pas toujours mise à son juste plan. La science n’a de valeur humaine que par sa diffusion. D’autre part, si les savants n’avaient pas quelquefois un bienveillant dédain du vulgaire, peut-être se laisseraient-ils trop souvent arrêter par les résistances (aux multiples formes) d’un public ignorant.