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au soir de la pensée

définitive aux poissons cuirassés. L’organisme vertébral destiné à la maîtrise de la planète, inaugurera sa puissance de cogitation à venir par d’irrésistibles explosions de violences rassemblées, pour des déchaînements de fureurs, en ces formidables colosses qui font l’orgueil de nos musées.

Plus modestes, mais d’une puissance générale supérieure en devenir, les premiers mammifères à sang chaud, avec les premiers oiseaux, entrent tardivement en scène pour manifester des évolutions organiques de mentalités successives que les monstres ne paraissaient guère annoncer.

Au cours de ces transformations, la géographie des mers et des continents subissait sans arrêt des modifications profondes. Je ne m’y arrête pas. Nous en sommes à l’ère tertiaire, où se montrent des arbres à feuilles caduques (dont beaucoup se rencontrent aujourd’hui dans nos forêts) avec des monstres encore, mais des monstres adoucis qui vont disparaître ou faire acte d’accommodation. Mastodontes, éléphants, hippopotames, rhinocéros, ours des cavernes, grands cerfs, hipparions, ruminants, carnassiers, etc. Des singes. Des hommes peut-être[1].

Les terrains quaternaires, recouvrant tous les autres et recouverts eux-mêmes de terre végétale, sont surtout d’alluvions. Le mammouth, le renne, le grand ours des cavernes sont maîtres. Les grandes extensions glaciaires amènent des émigrations. Les cavernes, produit d’infiltrations, abriteront lions, ours, hyènes, hommes même, dès qu’ils vont apparaître. Le ruissellement des eaux y amena de l’argile, du sable, des cailloux, des éléments calcaires, des débris d’ossements. C’est là que nous trouverons les authentiques témoignages de notre humanité première.

La surface planétaire s’ordonne. Les vestiges humains apparaissent en témoignages d’évolutions organiques dont l’ordre de succession trop souvent nous échappe. De précaires débris de squelettes miraculeusement sauvés de l’usure chimique des âges à travers tant de bouleversements, des usten-

  1. De temps à autre on a découvert, ou cru découvrir, des outils de pierre éclatée, ou même taillée, dans des couches tertiaires. Mais ces éolithes — de lignes analogues par le brassement des eaux — témoignent qu’il n’est pas toujours facile de faire la distinction. En tout cas, aucun vestige fossile de l’homme n’a été rencontré jusqu’ici dans le tertiaire, ce que pourrait expliquer l’usure d’une si longue durée.