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notre planète

de masses liquides, ou des explosions de vapeurs faisant voler des éclats de montagnes comme bulles d’écume au vent.

Sous la tempête, dans les profondeurs, par delà le passage des phénomènes, la vie en puissance attendait son jour. Du temps ! Du temps ! Qu’importent des millions et des milliards de siècles quand on a devant soi l’infinité de l’espace et de la durée ?

Les enchaînements de vies n’avaient-ils point déjà laissé trace de leur passage aux terrains archéens, précédant le primaire ? On penche vers l’affirmative.

La formation des terrains fossilifères a donc pu prendre autant de temps que celle de toutes les stratifications depuis les premières couches des terrains primaires[1].

Une incalculable durée pour des apparitions et des développements d’organismes primitifs en des formes dont l’évolution s’est arrêtée avec les changements de milieux.

Mais voici que les stratifications sous-marines croisées, contrariées, rompues, soit par des couches nouvelles selon le mouvement des eaux et les plissements de l’écorce, soit par des éruptions de roches incandescentes, ont maintenant leur place au soleil. Des continents éphémères se dessinent, incessamment rongés ou brusquement élargis par la violence des mers, prompts à se déplacer, à s’agrandir des voisinages ou à s’effondrer. Le temps ni les efforts perdus ne peuvent être de compte pour des apparitions de continents qui retourneront à l’abîme, ou se consolideront au hasard de chances imprévues. L’ère des grandes convulsions passera. Nous garderons le soupirail des volcans pour en évoquer le souvenir.

Au-dessus des sédiments archéens, où des vestiges de vie marine se rencontrent, les terrains primaires édifient lentement leurs couches puissantes sur une épaisseur évaluée à une quinzaine de kilomètres. Considérez que cette installation eût été probablement insensible au cours d’une vie humaine, tout comme sont à nos yeux les phénomènes actuels de corrosions par les eaux, ou d’accumulations par les apports de la pluie et des

  1. Quant à la durée des ères géologiques, on les estime à 75 pour 100 de l’ensemble pour les âges primaires, 19 pour 100 pour les secondaires, 6 pour 100 pour les tertiaires.