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notre planète

en des condensations de refroidissement qui font à nos sensations naissantes un havre de survenue dont les jetées prochaines nous garderont, pour un temps, des naufragés. Terre ! Terre ! a crié le pilote. Lunette en main, tout le monde sur le pont. Des rivages tourmentés, d’invitantes plages parmi de périlleux récifs, des montagnes stériles qui se perdent dans les nuées, les riches végétations des plaines, des vallées apportant à la mer le tribut de leurs fleuves, tous les vagissements de joies et de douleurs qui sont l’expression de la vie. Une escale de craintes et d’espérances. Prenons pied.


« Terre ferme. » Cohérences d’instabilités.


« Terre ferme », nous dit-on. Après les houles de nos mers d’inconnu, l’expectative reposante d’une stabilité. Au cours d’incalculables siècles, d’étonnements en étonnements, nous avons parcouru notre nouveau domaine parmi nos prédécesseurs aux voix inarticulées, sans nous poser, après eux-mêmes, beaucoup d’autres questions que d’un immédiat accommodement. Des « habitudes »[1] se sont instituées comme a dit si justement Lamarck. Quelques-unes en des accoutumances d’ankyloses. D’autres, et c’est notre fortune singulière, en des activités de sensations, de compréhensions mieux précisées. De quoi nous sommes issus, en l’état où nous pouvons nous offrir aujourd’hui à notre propre observation.

L’homme de nos jours, nous présente une succession, une imbrication d’états de connaissance qui l’ont fait et le maintiennent tel que nous le découvrons. Il vaut ce qu’il vaut. Tout ce que nous en pouvons voir nous le montre produit des lois universelles, manifestées aux complexes organiques de ses résistances et de ses collaborations. Composition toujours croissante

  1. Les « habitudes » sont des répétitions de mouvements réflexes automatiquement enchaînés, entraînant des effets de croissance organique par la gymnastique de l’usage.