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l’atome

pour de nouveaux effets. Les mythes fantomatiques se succèdent pour s’évanouir sous les feux croisés du connaître. En dépit des vaines beautés de la chimère, l’expérience des choses illumine d’un éclair les insondables profondeurs ! Sublimes émotions des sommités de douleurs et de jouissances, réalisées en des Copernic, des Galilée, des Newton, des Lamarck, magnifiques témoins de la plus haute humanité.

Des fuites de contours, des sursauts de couleurs. Toutes les fusées du spectre qui se dispersent ou se rencontrent sans jamais épuiser les chances de l’inattendu. Des océans d’ondes qui s’opposent, ou se conjuguent en des accords d’harmonies. Et dans la douceur ou le tumulte de l’inexprimable symphonie, l’homme stupéfié de lui-même, désaxé par l’effroi d’une grandeur cosmique au delà de ses propres sensibilités.

Mais l’heure du redressement arrive, après le va-et-vient de l’objectivité mondiale, jusqu’au maximum de la subjectivité humaine dans la domination des procédures organiques d’une « connaissance » qui commence et s’achève en émotivité. De l’étoile à l’atome, une voie sacrée de lumières. Magies des sommets, magies des profondeurs. Embrasements des imaginations impatientes de ne point se laisser devancer. Tenons-nous donc enfin le secret de l’univers ? Non pas. L’atome n’a pas plus le secret des éléments que tout autre phénomène. Nous avons déjà saisi des au-delà de l’atome, et nous ne pouvons douter que la succession élémentaire ne se continue à l’infini.

L’ultimité d’un élément cosmique est une conception périmée, — qu’elle soit représentée par un « Créateur » ou par un état de matière-énergie sur quoi reposerait l’édifice de l’univers. Notre évolution de connaissance relative ne nous peut découvrir que des successions ininterrompues. Et quand nous cherchons, pour fin de l’homme, un enfer ou un paradis impossibles à loger dans l’espace et le temps, l’événement se renverse pour faire comparaître la « Sainte-Inquisition » au tribunal de Galilée. Le savant, jadis, terrassé, se relève, et le voilà qui demande des comptes à qui en exigeait. Longtemps avant Alighieri, l’homme anxieux de connaître s’était engagé dans les profondeurs du drame universel, et s’il ne lui fut pas donné de sonder l’insondable, déjà peut-il répondre aux incohérences du visionnaire : « J’ai voulu voir, j’ai vu ».