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au soir de la pensée

d’un potentiel illimité. Les phases des planètes marquent des moments de chemins parcourus comme les sédiments géologiques indiquent l’écoulement des transformations planétaires. C’est la mise au tableau d’un moment du fameux grand retour dont on a fait si beau tapage, et qui, dans l’univers, n’a pas plus d’importance que tout autre moment d’éternité.

L’enchaînement infrangible des phénomènes, tel que l’observation nous le révèle, veut des nombres et des amplitudes de cycles toujours croissants, car il ne s’agit de rien de moins que de rejoindre l’infinité. Pour quelques-uns de ces cycles, hors de nos mesures, beaucoup de savants, de philosophes, de théologiens, de métaphysiciens, enivrés de verbe, ont cru parfois en tenir des passages. L’idéologie ne pouvait pas manquer au rendez-vous où la boucle est verbalement bouclée par l’hypothèse rejoignant l’hypothèse[1]. Avec la connaissance agrandie, des champs d’obscurité se dissiperont devant nous, et des problèmes inattendus, comme ceux de l’atome, surgiront pour de nouvelles formes de joies et de tourments de notre intelligence. Sans préjuger de l’avenir, acceptons ce qui est. À quelque fortune d’imprévisions que les éléments nous convient, nous pouvons collaborer, d’une intervention de notre connaissance, à des déterminations de leurs enchaînements. Rien ne commence, rien ne s’achève. Tout continue. Pour avoir renoncé aux fictives revanches offertes par la théologie, nous n’en gardons pas moins, au plus profond de nous-mêmes, une puissance d’appel à des réparations compensatrices de nos insuffisances. Nul événement ne nous viendra du monde qui ne soit une nouvelle amorce d’efforts en vue d’accommodations supérieures.

Dédaigneux d’une « vulgarisation » qui lui semble une déchéance, le pur savant s’en tiendrait volontiers aux jouissances secrètes de sa recherche indéfinie. Et cependant, qu’il le sache ou l’ignore, c’est pour la masse innombrable qu’il a prodigué son effort, qui serait d’écureuil en cage, hors des consciences d’assentiment humain où s’élabore un escompte d’avenir.

Cependant le vulgarisateur, trop aisément écarté de nos préoc-

  1. Le cycle inconnu où nous entraîne le soleil dans la direction de Véga est pure insignifiance en comparaison des innombrables cycles démesurés de l’infini.