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et après ?

infernaux. Plus rigoureux, savants et philosophes chercheront parfois, au delà de leur science, d’ingénieuses hypothèses, où chacun peut provisoirement se dilater. On n’a pas oublié le beau tapage du surhomme[1] venu de Germanie, pour fixer, tout au moins par une dénomination, le miracle hasardeux d’une évolution inconnue. Cette production tératologique de la métaphilosophie vaut toute bulle de savon. Avec le temps, l’évolution fait de chacun de nous le surhomme de ses ancêtres et le sous-homme de sa postérité. À travers tout, cependant, par égard pour de grands esprits qui n’entendent point se laisser dépouiller de leur droit au rêve, nous ne pouvons que reconnaître la pleine liberté de toutes anticipations du devenir évolutif qui est la loi de l’univers. Le savant lui-même ne serait pas le savant si nous lui enlevions le droit de rêver.

Aux élans d’un lyrisme paradisiaque de terrestre positivité, quelle autre objection pourrait-on opposer que d’une expérience systématisée, sans méconnaître qu’à l’exemple des chimères du passé, une illusion d’hypothèse peut toujours apporter une vertu d’aide passagère aux esprits ballottés d’attirances contradictoires dans les champs infinis de l’inaccessible inconnu.

L’homme d’hier, perdu dans sa forêt de points d’interrogation où se découvrent des clairières, l’homme d’aujourd’hui armé de tous ses leviers de solutions positives, préparent, dans les rencontres de leurs sensibilités, des parties d’évolutions parmi lesquelles l’homme de demain, encore retentissant de ses émotions ancestrales, devra trouver sa voie. En leurs enchaînements infrangibles, tous commandent l’éternelle activité du « Et après », éternel aboutissement de tout phénomène. L’univers se ramène ainsi à une perpétuelle succession de « Et après » qui se déterminent les uns les autres sans jamais s’épuiser, pour des transmissions de mouvements qui ne s’arrêtent pas. « Et après » est donc de même signification que « Et avant » devenu « Et après » à son tour, au cours de la phénoménologie, par la seule différence du moment.

  1. Le surhomme n’est qu’un X en parade. Quand nous appellerions le pithécanthrope sous-homme, nous n’en serions pas sensiblement plus avancés. Comment déterminer, par anticipation, les effets d’évolutions qui dépendent des changements de l’organisme, aussi bien que du milieu, en perpétuel devenir ?