Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
au soir de la pensée

dont le fonctionnement ne peut être que d’ignorances éclairées.

Peut-on rencontrer, dans l’atome en action, autre chose qu’une manifestation de matière-énergie développant l’intensité des mouvements cosmiques en des oscillations sans fin de concentration ou d’écoulement ? C’est une assez belle conquête de nous faire apparaître l’atome en des sillages d’étincelles qui, à une vitesse de trente à cent mille kilomètres à la seconde, traversent des corps solides, rendent l’air conducteur de l’électricité, et se trouvent déviées par un champ magnétique. Mais que dire des compositions d’activités cosmiques dans le drame intime matière-énergie qui laisse l’indéterminable au rêve d’une réalisation d’infini ?

Si l’éther est matière, la dissociation et la réintégration de l’atome ne sont que changements d’état, c’est-à-dire d’équilibres rompus et reconstitués qui n’ont ni plus ni moins de signification que tous autres. L’hypothèse de la nébuleuse, telle que l’expose Laplace, implique des successions d’états de matière dont les coordinations suggèrent des correspondances d’énergie qui ramènent tout problème cosmique aux mêmes termes dans tous états de mouvements.

Depuis Lavoisier, il était admis que la matière est indestructible, et Newton nous avait fait croire à la conservation de l’énergie ; je ne suis pas disposé à renoncer à ces principes sans de très bonnes raisons. Ce qu’il y a au fond de cette crise de verbalisme, c’est un besoin trop explicable, mais impossible à satisfaire complètement, de nous procurer, pour la pleine jouissance d’une compréhension totale, une formule synthétique du monde et de nous-mêmes qui nous permette d’orienter notre vie dans le gouffre de l’absolu. Tel est encore le principal office de notre Dieu courant pour le commun des hommes d’aujourd’hui. Des âmes débiles, il nous arrive encore des effusions d’idéalisme à la portée de tous les moindres, coupées des cris de la souffrance terrestre et ultra-terrestre où se complaît l’amour de la Divinité pour les humains.

Les pratiques du culte — chargées parfois, peut-être, in petto, de doutes informulés — aboutissent surtout à renouveler le fragile étai des méconnaissances dont vécurent excusablement les hommes d’autrefois. Au delà même de l’appât d’une considération sociale ainsi obtenue de la commune, insuffisance, sub-