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et après ?

continuité des jours. Ainsi, d’aucun point de vue, nous ne saurions nous plaindre raisonnablement d’un sort analogue à celui de toutes autres existences dont les droits, devant le Cosmos aussi bien que devant le Créateur, sont les mêmes que les nôtres. Si nous découvrions, aux chances de la lunette, l’astre, éteint ou flambant, dont la fortune calculée sera de nous venir regarder de trop près quelque jour, il n’y aurait pas plus de reproches à lui faire qu’aux microbes dont le virus pourra nous emporter avant la catastrophe prévue.

Cependant, gardons-nous d’oublier que le choc sidéral n’est pas la seule menace suspendue sur notre tête. Nous vivons du soleil, et le soleil va se refroidissant d’une allure mathématiquement mesurée. Un redoutable problème. De la température du soleil dépendent simultanément toutes grandeurs et toutes faiblesses de notre humanité. Quelques degrés de plus ou de moins, et nous voilà changés du tout au tout. J’entends bien que l’astre de ce jour, avec sa, chaleur diversement répartie, fait très bien, aujourd’hui, notre affaire. Prière de considérer qu’il en fut de même pour les aïeux de l’homme de la Chapelle-aux-Saints, au regard du soleil de leur temps, qui les vit naître et même prospérer passagèrement. Nous ne pouvons suivre les transitions évolutives des anciens aux nouveaux soleils, qui n’en font qu’un. Pour les soleils de l’avenir, dont la loi s’imposera sous peine de mort, nos enfants ne manqueront pas de s’y accommoder pour un temps.

Qu’une activité d’évolution vienne à s’épuiser chez certains peuples, et se caractérise même, en des formes de régression, les gémissements de l’idéologie n’en pourront rien changer, comme on a pu voir aux décadences de l’Asie, d’Athènes ou de Rome, qui, sans autre raison qu’un fléchissement organique, ont si gravement troublé le cours des « civilisations ». L’évolution du genre humain s’est conditionnée par une succession d’évolutions générales dont les rythmes s’activent ou se ralentissent tour à tour. Étapes d’orgueils et de misères, oscillations d’exaltations et de défaillances au cours d’activités cosmiques où se composent des alternatives d’efforts heureux ou malheureux, à terme inconnu.

Aux développements des régressions les plus caractérisées, le concours est d’avance assuré, sous des noms fastueux, de toutes