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l’atome

subsume sous celui plus général d’énergie, et que le principe de la conservation de la masse s’absorbe dans celui plus universel de la conservation de l’énergie. »

Cependant, si les corps se réduisent à des complexes d’énergie, comme le dit M. Rougier, cette énergie n’étant rien que « la déterminante du mouvement, lequel suppose un déplacement de masse », est-il bien sûr que nous ayons fait quelque chose de plus que de mouvoir des mots ? J’entends que vous logez la masse dans l’énergie, mais si matière et énergie ne font qu’un (comme il y a lieu de le croire), « la matérialisation de l’énergie et l’énergétisation de la matière » ne sont encore que deux profils d’un même automatisme, dont l’analyse élémentaire en est encore aux premières lueurs de ses débuts. »

Je m’excuse de m’exprimer si librement, dans l’ingénuité de mon ignorance, en réponse à des hommes scientifiquement qualifiés. Mais au commun des intelligences, la science elle-même doit des comptes de clarté, surtout dans le domaine de l’hypothèse où le plus expert est admis à trébucher. La conclusion, peut-être un peu trop littéraire, de M. Rougier, nous propose de nous regarder comme une bulle d’éther dans le néant. Des mathématiciens parfois prennent plaisir à nous dérouter. M. Rougier n’a jamais observé l’éther[1] (même sous la forme d’une bulle) pas plus que le néant. Jusqu’à nouvel ordre, je me contenterai donc d’un éclair de connaissance imaginative dont nul, mieux que notre savant, ne peut témoigner.

Si l’interprétation des rapports de la matière et de l’énergie se résume en deux aspects d’un élément unique, dissocié par le langage, qu’en pouvons-nous conclure, sinon que l’analyse verbale a originellement faussé nos essais de compréhension ? Avec M. Le Bon lui-même, je demande à réserver la part inévitable de l’inconnu jusque dans ce que nous croyons connaître, comme la rencontre de Newton et d’Einstein semble nous y inviter. Le chercheur suit la loi de son élan. La critique positive remettra dans le droit chemin quiconque aurait voulu trop prouver. Grandeur et faiblesse d’un organisme de relativité

  1. N’oublions pas, cependant, que Fresnel l’a presque vu en des ondulations de brumes « pouvant provenir » des rencontres de sommets d’ondes lumineuses. Un point d’interrogation.