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au soir de la pensée

d’importantes organisations de propriété collective qui fonctionnent souvent beaucoup mieux que sous la fastueuse irresponsabilité de l’État. Jetons un voile sur les faiblesses d’une bruyante puissance sociale qui ne réussit pas toujours à se contrôler elle-même sous l’action d’influences où le sentiment de l’intérêt public ne réussit pas toujours à l’emporter. Je ne serais pas surpris que l’État, dans la suite des âges, avec les progrès de l’universelle culture, se vît alléger successivement des organismes où les nécessités de son intervention ne sont pas directement engagées. L’insuffisance du contrôle des pouvoirs publics, tel que le fonctionnement de nos activités politiques le fait apparaître, ne pourra qu’accélérer un mouvement de libération dans l’intérêt de tous, à la condition, toutefois, qu’une surveillance sévère des sociétés d’intérêt public puisse être consciencieusement exercée. Des idoles qui ont si lourdement pesé sur nous, la moins cruelle n’a pas été celle de l’État, sous tant de masques vainement changés. Le problème sera de l’émancipation intellectuelle de l’individu, et du développement de caractère qu’il se trouvera capable de montrer.


L’autorité, la liberté.


Je sais bien que, classiquement, je devrais définir l’autorité et la liberté, avant de m’expliquer sur les phénomènes que ces deux vocables ont la prétention de représenter. Ces mots n’expriment, en effet, que des états de subjectivité qui n’ont de sens qu’avec la race humaine. Il y a nécessairement, dans le monde, des synthèses d’énergie qui règlent l’ordre des phénomènes. Autorité des Dieux pour la mentalité primitive qu’on s’efforce, par tous moyens, de prolonger jusqu’à nos jours. Autorité des lois cosmiques selon la science positive — étant donné que ces lois ne sont rien que l’expression des constances de rapports.

Depuis la plus lointaine origine des agglomérations humaines, sous l’empire de sentiments divers, toutes les intelligences de