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l’atome

sante[1]. De même, dans la théorie de la relativité restreinte d’Einstein, nous dit-on que l’énergie a de la masse et du poids… Si la « matière » se transforme en rayonnant de « l’énergie », elle perd donc, en même temps, de la masse, qui s’enfuit avec de la lumière émise par des radiations d’énergie matérialisée.

« On appelle proton le noyau d’hydrogène qui, avec l’électron, suffit à constituer tous les noyaux… Électrons et protons, de masses très différentes, sont les constituants ultimes de toute matière. À ce point d’arrivée, il peut être bon de réserver pour l’avenir une part d’inconnu[2]. » On l’admettra volontiers.

Je dois enfin signaler la grandiose hypothèse de M. Jean Perrin, selon laquelle se distribueraient la destruction et la genèse des atomes dans un ordre suffisamment défini, permettant, par la collision d’un électron avec un proton, la régénération d’un atome d’hydrogène originaire. « On voit, dit l’éminent physicien, comment je crois nécessaire d’interpréter les belles expériences où Rutherford a réussi à extraire de l’hydrogène de divers noyaux. Je pense que ces expériences ne correspondent pas, comme il l’a dit, à une désintégration atomique, mais, au contraire, nous donnent le premier exemple d’une intégration atomique, avec dégagement total d’énergie dépassant l’énergie fournie… Ainsi, comme nous faisons sur une bien moindre échelle en brûlant du charbon, nous hâterions, à notre profit, la formation d’atomes lourds qui reste possible aux dépens des atomes légers encore présents dans notre planète. Auprès de cette découverte, celle du feu serait peu de chose dans l’histoire de l’humanité. » Et plus loin : « Nous avons atteint, en tout cas, une conception

  1. Il résulte, en effet, d’expériences de radio-activité que l’atome d’hélium est formé de l’agglomération de quatre atomes d’hydrogène. Le poids atomique de ces gaz doit donc être d’après Lavoisier, comme 1 et 4. Or, l’expérience prouve qu’ils sont comme 1 et 3,96, la perte de masse, 0,04, correspondant à l’énergie que met en jeu la transmutation de l’hydrogène en hélium. La quantité paraît insignifiante. M. Jean Perrin n’en voit pas moins, dans ce dégagement d’énergie, de quoi expliquer l’origine de la chaleur solaire et ses développements pendant 100 milliards d’années. Bien que le phénomène soit d’un ordre différent, nous ne pouvons nous empêcher de prendre acte de la variabilité de la masse (malgré Lavoisier) en rapprochant la diminution de la masse, par radiation, de l’augmentation de cette même masse quand on lui imprime des vitesses de plus en plus grandes (formule Lorentz-Einstein).
  2. Jean Perrin. Les Atomes.