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La civilisation

la tolérance voulue de nos relativités. Les parties de « bien » que nous pouvons envisager sont l’expression de la naturelle harmonie de nos activités organiques et des énergies universelles qui les ont engendrées. Sinon, comme l’esclave à sa meule, nous ne pourrons que faire grincer nos engrenages pour des résultats d’épuisements, tandis que nos gymnastiques naturelles, dûment ordonnées, donneraient cours au meilleur de nous-mêmes, et par le meilleur de nous-mêmes, au meilleur de nos compagnons de vies tourmentées.


La guerre et la paix.


La guerre est-elle donc vraiment l’état naturel de toutes les existences ? Ainsi le veut la loi supérieure de la concurrence universelle. Il n’est que d’ouvrir les yeux. Tout s’oppose. Aucun élément qui ne réagisse sur d’autres. L’effet même de l’entr’aide est d’aboutir au simple déplacement d’un potentiel de combat. Sans doute, le combat lui-même ne peut se poursuivre qu’à travers des rythmes de relâches. Ces relâches, tantôt brefs et tantôt prolongés, qui ne sont que des formes d’oppositions nouvelles, en arriveront-ils à faire des éléments croissants d’une stabilité, dite de paix, c’est-à-dire de luttes mieux réglées ?

Qu’est-ce que la guerre et qu’est-ce que la paix ? Qu’est-ce qui les distingue l’une de l’autre dans leurs moyens, dans leurs dispositions, dans leurs résultats ? Notre « guerre » étant une méthode de destruction de l’humanité par elle-même, la paix pourrait apparaître comme un rythme de réparation au cours duquel les humains s’abandonneraient aux oscillations d’un altruisme compensateur. C’est bien l’état de choses que nos paroles annoncent. Cependant, comment ne pas découvrir, sous notre verbalisme altruiste, les brutales réalisations d’un égoïsme effréné ? C’est que la loi de la concurrence vitale met universellement les hommes aux prises en vue des appropriations individuelles qui sont la condition de leur existence. La « guerre économique », dit-on