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La civilisation

osciller de l’empirisme à l’idéal, dans les rythmes d’une évolution d’harmonies en expectative. Ce que furent les premières sociétés humaines, il n’est pas très difficile de le conjecturer. En quelque forme que ce pût être, la force, concentrée dans quelques-uns, domina toutes les résistances des faiblesses impuissantes à se coaliser. Ce fut et c’est encore le plus clair de notre histoire. Aujourd’hui même, sous un monotone verbiage d’idéalisme, il n’en est pas très différemment.

Les philosophes ne pouvaient manquer de s’offrir à nous en vue de poser des règles d’universelle équité dont l’harmonie ferait « le droits » égalitaire. Dans quelle mesure cette prétention se voit pratiquement justifiée, c’est ce qui prête matière à des débats sans fin. La constitution du « droit » inhérent à l’individu n’en demeure pas moins une des plus hautes conceptions de l’homme social dans l’ordre d’une stabilité de rapports. Il faudrait seulement se souvenir que le « droit » n’est qu’un mot jusqu’au jour où nous nous montrons capables de le résoudre en actes décisifs. Nos révolutions de mots ne changeront rien de l’empirisme antérieur aussi longtemps que le psychisme atavique n’aura pas fait place à de nouveaux états de correspondance de l’idée à l’action.


Rythmes d’actions et de réactions.


Le processus d’évolution sociale, dit de civilisation, ne peut avoir de sens que par l’évolution de l’individu. L’individu humain est, par excellence, animé d’un besoin déterminant de vivre en société. Avec toutes ses incohérences, l’homme des sociétés modernes est d’un état grégaire merveilleusement supérieur au néolithique (stage de la pierre polie), pour ne rien dire de l’humain de Néanderthal ou de la Chapelle-aux-Saints. Entre tous les états de grégarité échelonnés au cours des âges, personne qui ne reconnaisse des correspondances de développements. Par l’enchaînement de ces correspondances, dans toutes les directions

de l’activité humaine, se fait l’unité profonde de nos états

T. II.
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