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au soir de la pensée


Matière, énergie.


Où en sommes-nous donc des problèmes de la matière et de l’énergie ? Sous les formes changeantes d’un verbalisme entitaire, nous en étions, hier encore, au même point que les anciennes philosophies. Nous tenions, et nous tenons toujours deux mots qui nous paraissent correspondre à des aspects distincts de la phénoménologie, et nous ne concevons pas qu’il soit possible d’y renoncer.

Il existe quelque chose. Ce quelque chose qui nous résiste ou nous heurte, c’est, pour nous, la matière et comme ce quelque chose, nous le voyons tantôt d’apparence immobile et tantôt se mouvoir, nous l’imaginons mû par un autre quelque chose que nous appelons Divinité, Génie, Esprit, Âme, Force, Énergie. Ce début d’analyse, avec l’aide périlleuse du mécanisme verbal de l’abstraction réalisée, nous a suffi jusqu’à ce jour, et nous en sommes demeurés à la distinction verbale d’un « substratum », théoriquement supposé inerte, et d’une « force », abstractivement conçue, qui le mettrait en mouvement. L’idée d’un automoteur, en qui « matière et énergie » ne se pourraient objectivement distinguer, semble reprendre aujourd’hui ses droits de positivité sur la vertu métaphysique d’une dislocation verbale des activités élémentaires. « L’énergie » aurait eu la charge de vivifier la « matière » dont l’office serait de « réaliser l’énergie ». Cela fait bonne figure en chaire, mais pour aboutir à une impasse où nous guette l’antinomie de l’immobile en mouvement, sans parler de la dématérialisation de la matière, de la mort thermique, de l’entropie, et de combien d’autres monstres devant lesquels l’imagination recule épouvantée.

La science a tendu nécessairement à dépersonnaliser « l’énergie ». Elle lui a laissé, cependant, jusqu’à ce jour, une valeur d’entité métaphysique. Seulement, dès que nous essayons de la suivre dans ses évolutions, elle s’évanouit à nos yeux. Des voix se font entendre qui nous annoncent que « la masse de l’électron est nulle »,