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au soir de la pensée

Paraissez, mammouths, rhinocéros, sangliers, loups, chevaux, rennes et tous cervidés, ours, bisons, aurochs, bovidés de tout rang, grands félins, poissons, serpents, oiseaux, et vous, humains, qui allez successivement de l’informe ébauche du burin aux achèvements de la polychromie, pour arriver, par des simplifications schématiques[1], à la stylisation de formes au gré des impuissances dont la recherche est de facilités.

C’est l’art du chasseur quaternaire qui va se montrer dans son éclat, d’abord. Point de trace encore de domestication, sauf peut-être pour le cheval dont le fini de quelques dessins parait être le témoignage d’une familiarité coutumière. Cerfs et bisons se découvrent avec la flèche au flanc. Parfois même, de toutes parts, des flèches volent autour d’eux. La chasse conduit aux déplacements du nomade. Le pasteur n’a point laissé de traces. Il n’y a pas encore d’agriculteurs. L’idée chanceuse d’un culte plus ou moins vague se présente naturellement à l’esprit.

Je ne sais comment classer de sommaires profils d’humanité à côté des figures d’un art minutieux. Puis, de libres esquisses gauchement enlevées. Peu de figures humaines. Des femmes d’un rendu réaliste où il apparaît que le beau sexe n’avait pas encore atteint l’achèvement de son charme. Des danses ithyphalliques en un costume féminin qui ressemble beaucoup à celui d’aujourd’hui, bien que plus réservé. Des signes intraduisibles parmi lesquels des mains emportant déjà peut-être une signification de puissance[2], qu’elles détiennent encore aujourd’hui, comme notre « main de justice » en peut témoigner. Aussi, la croix équilatérale que nous avons retrouvée aux plus anciens âges des pays entre lesquels on ne découvre point de communica-

  1. On a remarqué des similitudes avec les abréviations de dessins japonais qui s’achèvent en calligraphie. N’est-il pas curieux qu’on nous signale déjà des traces de décadence dans certaines séries ?
  2. « Et l’Éternel dit à Moïse : Étends ta main sur la mer, et les eaux se retourneront sur les Égyptiens. Moïse, donc, étendit sa main sur la mer, et la mer se retourna avec impétuosité sur les Égyptiens. (Exode.)
    Dans la bataille contre Amalec, Moïse, montant sur la hauteur, avertit Josué que « la verge de Dieu sera en sa main », « Quand Moïse élevait sa main, Israël était le plus fort, mais quand il faisait reposer sa main, alors Amalec était le plus fort. Et les mains de Moïse étaient devenues pesantes. Aaron et Ur soutenaient ses mains. Ainsi ses mains furent fermes jusqu’au soleil couchant. » (Exode.)