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au soir de la pensée

d’hier. En quelles formes prépare-t-il celui de demain ? L’atome de l’heure présente commence d’entr’ouvrir ses voiles. Un jour, peut-être, l’atome futur apparaîtra resplendissant de clarté. En attendant, il pourrait être sage de ne pas trop anticiper.

Après la notion d’« un atome d’espace », on nous parle, d’« un atome de temps », d’« un atome d’énergie » résultant de la théorie des quanta. Pour nous achever, voici maintenant qu’on nous annonce la « dématérialisation de la matière », ce qui nous conduirait à la « mort thermique » des choses si l’on ne profitait pas de la circonstance pour matérialiser l’énergie. Je ne voudrais pas renoncer, tant que je suis vivant, à garder un peu de terre sous mes pieds. Pour conserver cet avantage, je ne vois rien de tel que de nous en tenir à l’atome du jour tel que nous le pouvons présentement observer. Nous ne saurions dire encore que nous l’ayons précisément vu, mais nous le circonvenons de telle sorte que nous mesurons son noyau et que nous dénombrons les individualités atomiques en leurs mouvements familiers. Tout autre chose que le bon vieil atome sur lequel on fondait tout, et dont, pour cette raison même, on ne savait rien.

Aujourd’hui, nous en savons trop pour résister à l’envie d’en dire quelque chose. Il doit être seulement entendu que nous n’aurons dans l’atome ni le fondement ni l’aboutissement de rien. Ce ne peut être qu’un passage, ainsi qu’en fait foi l’activité reconnue de ses éléments, où, faute d’une expérience suffisamment prolongée, des hommes de science sont allés se casser la tête à la fantastique muraille d’une dégradation qui ne nous représente rien qu’un épuisement d’imagination.

D’une plus sûre méthode, sir Ernest Rutherford nous fait entrevoir aujourd’hui de longues évolutions de l’atome. Et si nous étions admis à comparer les différents atomes de notre planète actuelle avec ceux des évolutions de la nébuleuse, sans doute serions-nous moins prompts à mettre en formes de généralisations hâtives ce que nous savons et ce que nous ne savons pas.

Nous allons répétant que l’atome, avec ses électrons décrivant leurs orbites, constitue un véritable système solaire. Le rapprochement était inattendu. Mais quelle profonde signification pourrait-il prendre si, de l’un à l’autre, le lien organique