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au soir de la pensée

avoir une unité d’anthropoïde à conférer avec une unité humaine, précédée de jalonnements intermédiaires. L’universelle évolution organique ne le permet pas. Considérez la diversité des types humains de nos jours, et dites-vous bien que nous n’avons sous les yeux que des aboutissements d’innombrables évolutions différenciées d’où procèdent, à travers des âges sans mesure, des types de provenances inconnues. Du Papou à l’achèvement de l’homme civilisé de nos jours, c’est une assez longue procession. Rétrospectivement, du Papou au singe hominien de Java, l’obscure série n’est pas moins longue, et serait plus significative enoore si nous en pouvions posséder assez d’exemplaires. De la comparaison des multiples séries jailliraient tour à tour des lumières peut-être définitives sur les procédures d’enchaînements. Mais cela n’est que rêve. Ces séries disparues sont insaisissables, et de quelques-unes à peine possédons-nous des vestiges fossiles qui ne nous révèlent, en somme, que des moments de coordinations.

C’est assez toutefois pour nous confirmer dans la sensation que nous tenons le fil d’Ariane, car plus nous trouverons de fragments de singes hominiens, dits pithécanthropes, et plus la diversité sera grande des exemplaires en lesquels s’attestera l’évolution d’un type à l’autre. De ceci l’évidence n’est plus contestable depuis que des pièces incomplètes, mais significatives dans l’individualité aussi bien que dans la succession, ont apporté des témoignages irrécusables aux positivités de la filiation.

Au Trinil (Java), on découvre une calotte crânienne, deux molaires, et un grand fémur humain où les caractéristiques du simiesque et de l’hominien se trouvent ajustées[1]. La calotte crânienne est morphologiquement intermédiaire entre celle du chimpanzé ou du gibbon et celle de l’homme archaïque (Néanderthal ou la Chapelle-aux-Saints). La face interne montre des

  1. On considère qu’à cette époque, les îles de la Sonde et de l’Archipel japonais faisaient partie du continent asiatique. Beaucoup admettent que l’Asie a vu la première apparition du simiesque hominisé. Darwin penche pour l’Afrique du Sud. Pourquoi les deux hypothèses ne seraient-elles pas également justifiées ? La nature ne marchande pas ses phénomènes. Il n’a pas fallu plus d’efforts d’évolutions organiques pour une détermination quelconque sur un continent que sur d’autres.