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l’atome

le nombre des électrons négatifs soit assez grand pour neutraliser la charge positive du noyau. On part comme en chimie, de l’atome d’hydrogène (le plus léger et le plus simple de tous), qui consisterait simplement en un électron gravitant autour d’un noyau de charge égale et contraire, mais de masse très grande encore comparativement. Je me borne à noter la curieuse théorie de la formation et de la réintégration de l’atome par la capture des électrons. Nous sommes à cet égard, dans les beaux jours de toutes hypothèses, quelques-unes peut-être d’une fécondité imprévue[1].

Pour le simple mortel, il n’est pas très aisé de se reconnaître très clairement dans cet ensemble. On nous parle, sans doute, d’une énergie intra-atomique titanesquement accumulée en une somme incalculable, au plus profond de l’atome, pour lancer ses corpuscules enflammés, avec une vitesse de 100 000 kilomètres à la seconde. Que n’a-t-on pas dit, et même prophétisé, à ce propos ? Le débit incessant de l’énergie dite « intra-atomique » a été comparé à l’explosion simultanée des éléments du grain de poudre. Deux libérations d’énergie, en effet, mais quoi de plus ? Nous ne sommes qu’au bord de phénomènes nouveaux, qui n’ont pas épuisé leurs surprises. La plus grande accumulation d’énergie dans la plus petite particule de matière apparaît, il est vrai, comme un fait d’observation, mais d’une observation à vérifier par une grande somme de labeur dans une grande somme de temps[2].

J’ai dû le reconnaître, l’atome d’aujourd’hui n’est pas celui

  1. À qui voudrait entrer dans l’étude approfondie de ces problèmes, je recommanderai la lecture de trois conférences de M. Niels Bohr réunies en un volume sous ce titre : Les spectres et la structure de l’atome. En terminant sa première conférence, M. Niels Bohr déclare qu’il a voulu faire naître chez ses auditeurs l’impression qu’il sera possible, avec le temps, de découvrir une certaine cohérence dans les idées nouvelles. Au point où nous en sommes, cela n’est déjà plus douteux.
  2. J’ai dit, de même, ma défiance de la fameuse distinction du pondérable et de l’impondérable qui pourrait impliquer un imaginaire anéantissement de la matière qu’on n’ose plus d’ailleurs nous présenter en ces termes formels. Le mot impondérable ne peut qu’accuser, par une stérile négation, l’insuffisance de nos moyens d’observation. La loi de gravité ne se laisse pas manier à si bon compte. D’autant que la relativité d’Einstein nous a ouvert, sur les rapports de la vitesse et de la masse, de nouveaux horizons.