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les âges primitifs

agit comme le cerveau d’un animal inférieur. Cet organe, en effet, placé à la partie antérieure du corps, reçoit les impressions des organes des sens et dirige les divers mouvements »[1]. À rapprocher les mouvements de la Linaria Cymballaria dont « les pédoncules floraux, nous dit M. Raphaël Dubois, pendant la période qui précède la fécondation des fleurs, s’orientent vers la lumière, mais prennent une direction opposée quand les fleurs ont été fécondées. On voit alors les pédoncules floraux se tordre et se diriger vers les anfractuosités obscures pour y déposer finalement les graines dans les points les plus favorables à leur conservation, à leur germination. Avant la fécondation, les pédoncules floraux sont dits positivement héliotropiques, et, après la fécondation, négativement héliotropiques. Ne dirait-on pas que ces fleurettes sont animées comme les animaux de prévoyance et d’amour maternel ? En réalité, il s’agit de photomorphoses héliotropiques »[2].

Ne sommes-nous pas remarquablement près des origines de cette sensibilité, et, par là, de cette « intelligence »[3] dont les effets nous émerveillent à bon droit : ce qui n’est pas une raison suffisante pour les « expliquer » métaphysiquement avant d’être remonté aux sources de leurs coordinations. Voyez les passages de la vision photodermatique ou dermatropique[4] à la vision oculaire. Qui pourrait dire si, par la pression de radiation[5], la vision ne se ramène pas à un phénomène tactile comme celui

  1. Ces mouvements automatiques, irrésistibles, ont pour effet d’orienter l’organisme dans la direction de l’excitant et d’assurer ainsi un nouvel équilibre. Quand il s’agit de la lumière, c’est du phototropisme, et ce phototropisme est positif ou négatif suivant que l’animal se dirige vers la lumière ou du côté opposé. Quand il s’agit de la gravitation, c’est du géotropisme, etc. Dans le végétal comme dans l’animal, le phénomène est d’ordre physico-chimique.
  2. La Vie à la lumière, Raphaël Dubois.
  3. Les insectes, dont on vante le plus l’intelligence, n’ont pas de cerveau proprement dit, ce qui indique une infériorité de condensation nerveuse. Ils n’en accomplissent pas moins des actes de même ordre que la Linaria Cymballaria pour des résultats supérieurs. On sait que l’abeille ne répond pas aux pièges de l’imprévu. On ne peut pourtant pas dire qu’elle soit sans pensée. Les tables de réceptivité sont d’une sensibilité moins différenciée que les nôtres. Les résultats ne s’en rejoignent pas moins.
  4. Je renvoie le lecteur aux expériences de M. Raphaël Dubois sur la rétine dermatropique, notamment chez certains mollusques. (La vie à la lumière).
  5. Qui manifeste le « poids » de la lumière.