Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
au soir de la pensée

minées sur la moyenne mentale et morale de l’ensemble. Rien ne se crée, rien ne se perd. En des formes diverses, il faut que se retrouve tout effort bien ou mal dépensé. Nous sommes donc assurés que rien ne sera vain de nos efforts pour l’élargissement de la vie humanitaire. C’est ce qui a soutenu les martyrs de toutes les grandes causes, aussi bien le chrétien du cirque, à son heure, que les victimes ultérieures de ce même chrétien dégénéré, jeanne d’Arc, ou Michel Servet. Magnifiquement, l’évolution emporte tout ce monde à ses destinées, en un drame infini de scènes grandioses d’où peuvent naître, pour nous, aux approches de la mort, un contentement d’y avoir concouru.


Le drame.


Comment que se soient ordonnés nos premiers tressaillements de sensibilité en évolution de connaître, nos besoins d’observer, pour nous accommoder, se sont bien vite accrus de cet émerveillement, dont le trouble sera de méconnaissance primitive avant que de nous soutenir d’une suprême énergie dans la pénétration positive des rapports. Rien ne caresse plus délicieusement notre native ignorance que ce sursaut de jeune imagination qui n’a pas même besoin de l’épreuve de la terre, pour la tentation de ses envolées. La voûte étoilée nous obsède d’une splendeur d’étincelles cosmiques, en des rythmes d’essors qui ne finissent pas. Sommes-nous donc spectateurs ou personnages ? N’en fût-il pas au monde, nous demandons un pourquoi. Et nous nous proposons innocemment de « désespérer » de nous-mêmes si nous ne rencontrons que des comment !

Ciel de jour, ciel de nuit, alternent avec des relâches et des reprises communes de nos énergies. Qu’est-ce qui établit mieux les liens de l’univers et de l’existence humaine ? Le ciel est un séjour comme la terre elle-même. Notre premier élan d’intelligence est pour les accorder. Des différences de mesures, et par là, de puissance, voilà ce qui distingue, semble-t-il, les mani-