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l’évolution

Ce sont quelques points de repère des évolutions de grégarité animale qui passent sous nos yeux…

J’ai dit le vol en flèche, avec changement du conducteur en cours de route, ce qui ne peut être improvisé. Qu’il y ait là le produit d’une évolution de grégarité résultant d’un accord d’évolutions individuelles, il n’en peut être autrement. Descartes ou Lamarck : il faut choisir. L’écrasante défaite de la réaction cartésienne n’a pu surprendre aucun observateur. À bon compte, jadis, essayait-on de se tirer d’affaire avec l’instinct. Un mot, c’était beaucoup, faute d’un terme de positivité. Pour les méconnaissances du « connu » et les mésinterprétations de l’inconnu, la métaphysique en faisait son affaire. L’instinct était une sous-intelligence, aussi mystérieuse que l’âme elle-même, et non moins capable que le principe vital de nous tenir hors des voies de l’observation vérifiée. J’ai déjà dit que la constatation pure et simple des accomplissements intellectuels au cours des séries animales ne nous a pu fournir qu’un thème de stérile admiration aussi longtemps que nous nous sommes contentés de les rapporter à notre vie mentale, sans en chercher la source dans les enchaînements organiques des lignes d’évolutions reconnues. Il s’agit moins de nous émerveiller aux fragmentaires sursauts d’entendement animal que de nous enquérir, avant tout, des liens biologiques de la série animale dans ses évolutions de sensibilités.

Nous saisissons sur le vif le point de départ de la psychologie comparée depuis les premières déterminations d’irritabilité, toutes proches des réactions de la physico-chimie, jusqu’aux premières complexités d’associations, telles que l’activité organique des séries vivantes nous les révèle progressivement. Pour nous, exemplaires d’humanité, connaître, c’est déterminer des rapports, et les classer en des avenues d’ondes coordonnées d’où surgissent les résonnances de la compréhension. L’intelligence animale peut-elle donc être différente, en ses manifestations, de sommes de conscience diversement éclairées ? Les difficultés des associations par l’insuffisance des signes rendent l’activité du phénomène mental infiniment plus précaire dans la succession des subconsciences ou se manifestent à tous moments des défaillances de coordinations.

L’œuvre immense est à peine entrevue, qui dégagera, sans