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IV


L’évolution grégaire.


L’homme individuel n’est pas tout l’homme positif. Sa détermination, son évolution se compliquent de ce fait qu’il vit à l’état grégaire — ce qui commande une détermination, une évolution de l’existence humaine[1] en laquelle réagissent toutes les complexités de l’organisme associé.

À quelque degré d’animation qu’on le rencontre, l’animal n’est jamais isolé au sens rigoureux du mot, puisqu’il engendre, au moins pour un temps, des compagnons d’existence. Même temporaire, la famille est un groupement de solidarités, la « cellule » d’un organisme de croissantes complexités dont le principe est dans l’interdépendance des éléments et du milieu. L’histoire naturelle des groupements sociaux se pourra peut-être instituer quelque jour. En attendant, pourrais-je donc éviter de confronter l’évolution individuelle et l’évolution grégaire pour en faire jaillir quelques lueurs sur les développements qui se peuvent entrevoir de l’homme en société ?

L’individu perdra quelque chose de son Moi, en échange d’une contre-valeur sociale pour un effet d’accroissement personnel. Interdépendance biologique des organes et de l’organisme

  1. M. Jean Perrin, qui se plaît aux énumérations, ne nous offre de sécurité solaire que pour trente-trois milliards d’années. Nos neveux en feront leur affaire. je me demande seulement jusqu’où les portera le cours de leur présente évolution ? L’univers sera différent : eux de même. Supposons-les doués d’un crâne monstrueux, prêt à éclater. Que feront-ils de leur développement de connaissance ? Quel embarras s’ils devenaient trop savants ! Pour rétablir l’équilibre, je ne vois que notre vieille provision de méconnaissances. Ils pourront être en fonds de ce côté jusqu’à ce que le choc de quelque astre égaré règle tous les comptes d’un excès de mentalité.