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l’évolution

dation chimique, ou même physique, suffit pour produire l’être vivant, la question de la reproduction, aussi bien que de la production de l’être selon les voies de la commune énergie, se trouve résolue. Quel besoin du surnaturel quand on a saisi la nature sur le vif ? Le lecteur pourra se référer à l’ouvrage compact, mais constamment fidèle à la science d’observation, où M. Georges Bohn a pris la peine de colliger les principales recherches sur les premiers processus de la sensibilité et de ses conjugaisons mentales. Je ne saurais ici que m’en tenir aux plus notables acquisitions d’expérience avec leurs légitimes interprétations.

C’est à ce titre que j’ai dû mentionner les tropismes où je ne puis voir qu’une des formes de l’attraction universelle. Géotropisme (attraction des racines vers la terre), phototropisme, chimiotropisme, etc. Cet ordre de phénomènes appellera longtemps encore tous contrôles d’expérimentation. À les bien considérer, sensibilités et réactions motrices aboutissent à des phénomènes de déplacement mécanique que nous caractérisons, faute de mieux, par les mots d’attraction ou de répulsion[1] dont nous ne pouvons rien dire, comme le constatait Newton lui-même, sauf que les choses se passent comme si de telles puissances étaient en jeu.

Qu’il s’y insère des réactions de sensibilité diversement caractérisées dans le monde organique, c’est à quoi nous prépare l’image de la plaque photographique chimiquement sensibilisée. Nos savants discuteront sur la question de savoir où commence le sensibiltié appuyée, dite conscience dans la série animale. Là, comme ailleurs, il faut bien que tous les phénomènes Se rejoignent. Le passage de l’apparente « insensibilité » aux manifestations de sensibilités reconnues, se fait, comme tous autres, par des transitions évolutives dont certaines phases commencent d’être accessibles à nos moyens d’investigation.

Du tropisme originel, qui déclenche les premières réactions de l’organisme le plus simple, en réponse aux mouvements du milieu cosmique, nous arrivons, par des évolutions de sensi-

  1. J’insiste à nouveau sur le fait que les astres sont sensibles à l’action de leurs congénères. Nous saisissons là, sur le fait, des manifestations caractéristiques de sensibilité dans les masses dites « inorganiques ».