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l’évolution

tive des phénomènes de la vie. Nos classements de verbalisme peuvent être simultanément producteurs de connaissances et de méconnaissances, comme on l’a pu voir. « Chez certains animaux inférieurs les causes excitatrices du mouvement proviennent uniquement de l’extérieur »[1], c’est-à-dire du milieu ? En pouvait-il donc être d’autre sorte lorsque l’organe et le milieu sont partout en état d’interdépendance, par l’échange incessant des activités de l’ambiance et de l’individu ? Chez l’homme il n’en est pas différemment, malgré l’intervention du consensus organique qui conditionne le phénomène dit de « volonté ».

Quand l’animal unicellulaire dénonce par son déplacement l’action de la lumière ou de la masse planétaire en mouvement (phototropisme ou géotropisme), c’est toujours l’activité du milieu qui sollicite la réaction de l’organe et l’obtient. Consacrer le phénomène sous le nom de « tropisme » me paraît être une juste amorce d’interprétation pour désigner les attractions des êtres vivants par les énergies du dehors, car nous en arrivons là, semble-t-il, aux origines de la sensibilité, c’est-à-dire aux rythmes de rencontre des processus de toutes activités.

Peut-être est-ce subtilité grande d’affirmer que « les végétaux, les polypes ne voient point, quoiqu’ils se dirigent vers le côté d’où vient la lumière », ou encore qu’ils ne sont point doués d’une « conscience ». Puisqu’ils réagissent aux chocs extérieurs, il faut bien qu’il y ait des points de jonction entre les développements de sensibilité dans la série organique et les réactions physico-chimiques qui leur ont donné naissance. J. Loeb observe justement que « la biologie scientifique a commencé avec la recherche entreprise par Lavoisier et Laplace (1780) pour voir si la quantité de chaleur développée dans le corps d’un animal à sang chaud est la même que celle qui se produit avec une bougie, lorsque la quantité de gaz formée est la même dans les deux cas »[2].

La panspermie d’Arrhénius, supposant que de très petits germes peuvent être projetés dans l’espace par la pression de radiation jusqu’à la rencontre de conditions favorables à leur développement, est une hypothèse à ne pas écarter, bien qu’elle ne suffise pas à expliquer l’apparition, ou même simplement la

  1. Lamarck.
  2. J. Loeb, La Conception mécanique de la via.