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au soir de la pensée

La nécessité de sérier les phénomènes particuliers et généraux de la biologie n’a pu qu’éclairer les processus de l’évolution mentale dans les développements organiques de l’animalité. Aussitôt que des enchaînements fonctionnels ont été reconnus dans les séries vivantes, nos moyens d’investigations positives s’en sont trouvés merveilleusement accrus.

Mais où se prendre, et comment se reconnaître dans les taillis obscurs où se dérobent les passages de l’inorganique à l’organique, entrevus plutôt que caractérisés ? C’est une œuvre plus ardue. Toujours le fameux saut dans le monde nouveau de la vie où nos nomenclatures de phénoménologie contribuent, pour une si grande part, à nous dérouter. Partout de redoutables douanes aux barrières « infranchissables » qui séparent la physique, la chimie de la biologie. J’entends bien que ces classements nous sont indispensables puisque tout notre effort de connaissance est de classer des mouvements de rapports. Mais ces sériations elles-mêmes dépendent manifestement de l’état de nos connaissances, qui, s’accroissant chaque jour, font éclater les vieux cadres de subjectivité pour des constructions nouvelles de plus en plus proches de l’objectivité.

Le passage de l’inorganique à l’organique serait-il donc coupé par une barrière infranchissable dont le métaphysicien demeure la première victime, avant de nous en effarer. Où trouver les lignes de séparation, quand nous les voyons fuir devant nous au fur et à mesure des progrès de la connaissance ? Quelle partie des mouvements cosmiques se peut distraire, isoler des autres sans une incohérence destructive de notre univers, à l’heure précisément où toutes les activités du monde paraissent s’identifier, comme c’est le cas aujourd’hui reconnu de la lumière et de l’électricité.

Et, cependant, que de passages non décelés dans les plus rigoureuses déterminations de ce que nous dénommons phénomènes ! L’unité de l’énergie universelle paraît de plus en plus fortement s’imposer — synthétisée en un phénomène total que nous fragmentons par notre analyse en vue d’en assimiler ce que permettent nos facultés. Tout phénomène, au sens où nous l’enten-

    d’un nom dans la rancune éteinte du vaincu. Ceci, pour mettre à leur rang, dans l’histoire du monde, les brillantes passes d’armes qui, du point de vue cosmique, ne sont pas beaucoup plus que simples jeux de chats et de souris.