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l’évolution

réactions de l’infusoire, tout proches de celles de la cellule végétale, attestent des états de sensibilité si voisins que l’observation tendrait plutôt à les confondre — sur quoi nous avons dépensé le plus vif de notre imagination pour les séparer.


Préliminaires d’une psychologie comparée.


Ce n’est pas que depuis longtemps on ne nous ait prodigué toutes variations sur le thème de l’Intelligence des animaux[1], sans essai d’explication, et sans autre résultat que de choquer profondément notre théorie de l’âme humaine, supposée seule capable de servir de véhicule à la pensée. Pour la conservation de la vie par l’alimentation, pour la satisfaction de tous les besoins qui s’ensuivent.[2], pour la recherche du plaisir et l’éloignement de la douleur, pour la reproduction avec toutes les dispositions de défense familiale qui en sont la conséquence, l’animal dispose de précieuses ressources, manifestées par des enchaînements de sensations produisant des résultats « d’intelligence », refoulées jusqu’au machinisme par Descartes, exaltées par l’observation jusqu’au psychisme le plus caractérisé.

On s’est longuement étendu sur les manifestations de l’intelligence animale[3] et Darwin a peut-être quelquefois dépassé

  1. Entendez surtout des animaux supérieurs, notamment mammifères et oiseaux, auxquels il faut ajouter les insectes à système nerveux ganglionnaire.
  2. Emportant tous moyens de défense contre l’appétit étranger.
  3. Je ne puis m’arrêter aux enchaînements organiques sur lesquels il y a toujours à dire. Il est aujourd’hui reconnu que l’ascidie est apparentée à la souche même des vertébrés dont le représentant le plus ancien paraît être l’amphioxus. Ce poisson, jadis rangé parmi les vers, est remarquable par ses caractères négatifs. « On peut à peine dire, écrit Darwin, qu’il possède un cerveau, une colonne vertébrale, un cœur. » On connaît la série généalogique des chordés dont les représentants les plus nombreux et les plus élevés sont les vertébrés. Le système nerveux central est constitué, chez eux, par un cordon creux dorsal s’étendant longitudinalement d’un bout à l’autre du corps au-dessus du tube digestif. Au-dessus de l’axe nerveux, entre lui et le tube digestif, s’étend un second cordon plein qui est un organe de soutien. On lui donne le nom de corde dorsale. C’est cette corde qui constitue l’axe primordial, et c’est autour d’elle que se