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l’évolution


Enchaînements cosmiques.


Les premières inférences d’une vague psychologie comparée se sont depuis longtemps offertes à notre observation. Mais en dépit des efforts de Locke, de Condillac, de Taine, de Ribot, notre psychologie classique s’embroussaille encore d’un verbalisme de métaphysique au point que c’est grande peine de repérer, de lier des clairières d’objectivité. Autant de différenciations d’organismes, autant de « facultés » particulières pour l’analyse desquelles on ne nous offre guère que des matériaux de verbalisme. C’est par ce procédé que nous fûmes dotés d’une « faculté d’intuition » (c’est-à-dire d’un moyen de connaître hors du contact du monde extérieur) en vue d’expliquer l’inexplicable de nos explications, au lieu de suivre un à un les échelons de la vie animale pour en dégager des liaisons de traits communs. Et puisque la psychologie positive d’un organisme doué de sensibilité ne peut être qu’un chapitre de sa physiologie, déterminée par son anatomie, l’entreprise paraît d’une telle envergure qu’on peut se demander s’il n’est pas trop présomptueux de la tenter.

Il s’agit, en effet, de descendre jusqu’aux fondements des activités organiques et inorganiques des organes différenciés. Or, nous n’en sommes, à ce jour, qu’aux abords du sujet. Nous avons, cependant, des éléments de connaissance objective — physiologie, physico-chimie — nous autorisant à fixer, d’une série à l’autre, des points de relation[1]. C’est à quoi le commun des hommes a tant de peine à se résoudre, par la difficulté, purement atavique, de passer du monde minéral, réputé inerte[2], au monde vivant, comme si nous n’étions pas en présence d’une activité universelle dont tous les mouvements se tiennent

  1. Se reporter à la théorie cinétique des gaz, des liquides, des solides.
  2. Notre inertie de la matière, dont la mathématique ne peut se passer, est nécessairement le résultat d’une composition d’énergies équilibrées.