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l’atome

tion d’énergie dont la radio-activité serait l’écoulement. C’est de là, comme on sait, que vient le rêve d’un déchaînement de forces démesurées qui pourrait se trouver ainsi quelque jour à notre disposition.

L’illustre savant fait même à ce propos une hypothèse qui vaut d’être consignée, car elle ouvre accès à de nouveaux aperçus : « Il est possible, dit-il, que les éléments uranium et thorium représentent les derniers survivants, sur la terre d’aujourd’hui, de types d’éléments communs dans les âges lointains où les atomes qui composent actuellement la planète étaient en voie de formation. Une partie des atomes d’uranium et de thorium, alors formés, aurait survécu à cette longue durée, en raison de la lenteur de leur transformation. On pourrait ainsi regarder ces atomes comme n’ayant pas encore achevé le cycle de changements que les atomes ordinaires ont depuis longtemps accompli. Ainsi auraient-ils été maintenus dans l’état d’excitation qui n’a pas permis aux unités nucléaires de s’installer encore dans un état d’ultime équilibre, avec un surplus d’énergie qui ne peut être libéré que dans la forme caractéristique de la radio-activité. Aux termes de cette hypothèse, la présence d’une somme d’énergie prête à la libération ne serait pas une propriété de tous les atomes. Il s’agirait simplement d’une classe spéciale d’atomes, dits de radio-activité, qui n’auraient pas encore atteint l’équilibre final. »

Vue nouvelle d’un atome d’aujourd’hui qui pourrait être différent de celui du passé. Que l’atome, avec son système électronique, évolue, cela ne peut surprendre. C’est même une nécessité de l’ordre général. Quant à « l’équilibre final » dont parle sir Ernest Rutherford, il s’agit simplement d’une neutralisation des deux électricités l’une par l’autre — passagère au même titre que tous autres phénomènes. Fécondes ou stériles, les hypothèses de tout ordre nous offrent au moins le plaisir de frapper au seuil des possibilités. Notre science d’observation a besoin, pour grandir, de palpitations d’essais, comme l’oiseau qui veut quitter son nid.

C’est ce que constate, non sans émotion, le conférencier lorsqu’il se félicite d’être venu au monde en un temps qui lui a permis d’assister à l’éclosion des vues nouvelles. Il s’émerveille ingénument du retour positif à « la simplicité comparative »