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est beaucoup au-dessous de celle des individus combattants ? Résultat des activités habituelles, et hérédité des caractères acquis. C’est ainsi, par la consolidation des nouveaux besoins à satisfaire, que les anthropoïdes sont descendus des arbres pour arriver, avec une suffisante durée d’efforts, à l’œuvre décisive du redressement auquel les aptitudes mimétiques ont dû puissamment contribuer.

On devine quel labeur colossal ce peut être de reconnaître, par comparaisons de similitudes et de différences, les séries de classements pour une hiérarchie positive des caractères particuliers et généraux. Ce que Lamarck en retient surtout, c’est que « la conformation des individus, de leurs organes, et le développement de leurs facultés sont le résultat de leurs conditions d’existence. » « Les conditions favorables à l’évolution, confirme M. Edmond Perrier, sont les variations du climat, la température, l’action du milieu, de multiples causes locales, le mouvement, la variété des façons de vivre, de défendre son existence, de conserver sa vie, d’assurer la reproduction. Ces différents facteurs, développés par l’usage, les facultés de l’animal les diversifient en créant de nouvelles habitudes : si bien que peu à peu de nouvelles structures, de nouveaux organes apparaissent et sont conservés et transmis par l’hérédité. Certains organes, a l’usage desquels il est le plus souvent fait appel, se développent tandis que d’autres, laissés en repos, régressent peu à peu. »

Lamarck reconnaît, sans doute, que depuis deux ou trois mille ans, les organismes ne paraissent pas avoir changé, comme l’attestent les momies égyptiennes, mais qu’est cela en comparaison des données démesurées dont le Cosmos dispose, ainsi que l’atteste présentement le plus simple aspect de nos sédiments géologiques ?

Pour ce qui est de l’organisme mental, Lamarck en aborde les plus ardus problèmes avec non moins de résolution. « À la vérité, dit-il, nous observons une sorte de graduation dans l’intelligence des animaux, analogue à ce qui existe dans le progrès de leur organisation, et nous remarquons qu’ils ont des idées, de la mémoire, qu’ils pensent, choisissent, aiment, haïssent, qu’ils sont susceptibles de jalousie, et par différentes inflexions et par signes ils communiquent entre eux et se comprennent. » La « raison » lui paraît être la capitale différence de l’homme à la bête.