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l’évolution

ne peut franchir »[1]. Les animaux se mangent les uns les autres, sauf les végétariens exposés à la dent des carnassiers, sans d’autre revanche que sur l’innocente’prairie.

Pour ce qui est de la descendance animale de l’homme, Darwin, qui ne fait qu’exceptionnellement allusion à Lamarck dans ses ouvrages, se trouve avoir reproduit et développé les observations fondamentales de son prédécesseur qui n’a pas craint de suivre les développements de sa pensée jusque dans les phénomènes de la formation du langage.

Toute puissance de vie, quelle qu’elle soit, n’est qu’un moment d’activité organique en évolution. C’est l’ancre de la chaîne des inférences lamarckiennes. Que des parties de coordination en soient plus ou moins heureusement reconnues, c’est ce qu’établira le contrôle des observations[2]. La nécessité de se nourrir pour vivre, de se conserver, de se développer selon ses organes, de se reproduire, de se préserver de la douleur et de rechercher le plaisir, du plus bas au plus haut de nos sensations, suscite le détail et l’ensemble de nos activités vivantes. Nous voyons successivement apparaître, puis évoluer la sensibilité avec ses réactions de sociabilité, de moralité, avec des pointes même d’une anticipation de développements ultérieurs. De ce déterminisme, le savant ne peut que prendre acte, pour de nouveaux linéaments d’une biologie comparée[3].

Sous ce titre : Voyage d’un naturaliste autour du monde, Darwin a publié les notes de sa croisière de cinq ans à bord du Beagle dans l’hémisphère austral. Il partit en 1831, à l’âge de vingt-deux ans, déjà muni d’un excellent bagage de sciences naturelles, mais sans aucune hâte de conclure avant d’avoir longuement observé. Sa publication est de 1848. La géologie, la flore, la faune, l’homme même, arrêtent son attention sans

  1. La phraséologie du temps. L’idée ne s’en dégage pas moins avec une parfaite netteté.
  2. Lamarck, par exemple, en contradiction de sa propre doctrine, ne reconnaissait la « volonté » que chez les vertébrés supérieurs. Aboulique, comment l’amibe se déformerait-elle pour atteindre sa nourriture ? Il ne s’agit là que d’une question de mots.
  3. On sait que les singes subissent la contagion de la syphilis humaine. Dans la plupart des cas, tous les organismes des vertébrés répondent, par les mêmes effets, à l’action des mêmes médicaments.