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l’évolution

Envisager l’homme à l’état statique, comme pièce d’anatomie aux vitrines des musées, ne nous fournit qu’un inventaire de possibilités. La fonction de l’organe ne se peut révéler qu’au cours des activités dont le processus constitue les phénomènes de l’évolution. Il est trop explicable qu’on ait commencé par décréter le miracle, c’est-à-dire par s’abîmer devant l’inconnu. L’empirisme des premières formations de connaissances positives préparait lentement les inférences lointaines de Lamarck et de Darwin ! Présentement nous avons recueilli, coordonné assez d’observations pour que la conclusion d’expérience ait son jour. Moise, ou Darwin ? La création divine, ou la stricte coordination des mouvements organiques enracinés dans l’évolution inorganique elle-même, qu’elle doit rejoindre de toute nécessité ?

Le plus théologien des théologiens m’accordera qu’il se rencontre des liens infrangibles entre les phénomènes de la vie organique à tous les échelons de l’animalité — homme compris, bien entendu. Quels ? Avec Moïse, nos anciens n’y pouvaient voir que l’effet bloqué d’une volonté éternelle, qui aurait cessé soudain de se suffire à elle-même pour créer un état de choses terrestre, après d’innombrables éternités. Pour mode de compréhension, alléguer l’incompréhensible est une procédure d’enfant. En revanche, au premier examen, les organes de la vie animale, plasmas, éléments figures, tissus ordonnés en multiples séries de concordances, ne peuvent que suggérer des généralisations de rapprochements dans tous les ordres de l’organisation.

Nous avons sous les yeux l’ensemble du monde animal. Notre premier effort de connaissance est d’un classement de telles ou telles déterminations de caractères qu’il appartiendra. Nous classerons d’instinct, parce que rapprocher c’est éclairer. Et vraiment nous trouvons ici le point de départ de toute pénétration de rapports.

Nous classons sur des ressemblances plus ou moins solidement assurées, et nous ne tardons pas à en tirer des rapprochements et des différences, à la fortune de nos tâtonnements. Dès lors, notre connaissance est à l’œuvre. Elle s’est mise en chemin vers des conclusions nouvelles. Que la destinée s’accomplisse ! L’observation nous a révélé similitudes et différenciations. Notre entendement s’y est attaché. Il se cantonnera dans la recherche