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l’évolution

Dans le monde organique, les différences dépendraient de la durée, et, dans le monde inorganique, des températures[1].

Puisque l’évolution procède du simple au composé, nous devons chercher d’abord des formes du monde inorganique dans les régions ou règne actuellement la plus haute température, produisant d’ultimes degrés de simplification. « Le produit final de la dissociation ou de la séparation par la chaleur doit donc être la forme chimique primitive »[2]. Nous ne savons pas ce que peut être la plus haute température ni à quels états de matière ce terme peut correspondre. Des étoiles les plus chaudes aux plus froides, y a-t-il une progression de formes nouvelles comparable aux strates géologiques, de la plus ancienne à la plus récente ?

« Dans l’évolution cosmique, dit sir Norman Lockyer, nous avons noté une continuité d’effets accompagnés par des changements considérables de température… Les étoiles variées qui représentent les différentes phases du changement ont été classées le long d’une courbe des températures… Quand nous descendons des étoiles les plus chaudes aux plus froides, le nombre des raies spectrales augmente, et, avec le nombre des raies, le nombre des éléments chimiques… Les traits saillants des archives organiques sont ainsi reproduits si exactement que la meilleure manière de représenter les résultats a été de désigner les divers stades stellaires au moyen de formes chimiques, qui s’y révèlent à nous exactement comme les formes organiques aux géologues. Mêmes interprétations des couches stellaires, que des couches géologiques. De l’étoile la plus chaude à l’étoile la plus froide, j’ai trouvé dix groupes si distincts chimiquement l’un de l’autre qu’il est nécessaire de les distinguer aussi nettement qu’on distingue le Cambrien du Silurien[3]. On voit que la question suivante : les étoiles présentent-elles une progression de formes chimiques analogue à la progression des formes organiques dans les terrains géologiques ? comporte une réponse claire et précise. Il y a une progression. Nous avons donc le droit de considérer les

  1. Je ne fais que transcrire la formule de l’auteur. On ne saurait manifestement éliminer température ni durée de la phénoménologie des évolutions.
  2. Il faudrait dire antérieure au lieu de primitive, puisque le monde n’est que de successions.
  3. Sir Norman Lockyer a, en effet, distingué, classé, dénommé dix de ces groupes.