Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II

L’évolution inorganique.


Au rebours de ce qu’aurait voulu la logique des complexités élémentaires, les beaux travaux de sir Norman Lockyer sur l’évolution inorganique ont suivi, non précédé, les décisives observations de Lamarck et de Darwin sur l’évolution organique.

Nous avons commencé — et il n’en pouvait être autrement dans une entreprise d’empirisme où ne s’offraient à nous que des interprétations d’apparences — par étiqueter « connue » une construction générale de méconnaissance imaginative. Hypothèse et thèse confondues, ce devait être tôt ou tard l’inévitable entrée dans le chemin des observations positives, seules capables d’éclairer nos efforts de pénétration.

Qu’en pouvait-il résulter, sinon que l’étiquette hâtive conférât un singulier avantage à l’impérieuse fiction sur de fragiles fragments de connaissance positive qui prenaient figure de divergences, d’« hérésies », comme on a dit superbement. « J’abjure l’hérésie de la rotation de la terre », a-t-on fait dire à Galilée. Que cette affreuse parole demeure dans nos souvenirs comme suprême enseignement. Quelle accumulation de féconds labeurs pour aboutir à ce coup de théâtre du reniement. Des pages de l’homme, et des plus significatives, déchirées d’un trait, parce qu’un dogmatisme, qui ne sait rien des choses, prétend faire la loi à l’esprit humain[1].

Que de génies ont marqué les siècles de leur empreinte, avant que quelqu’un s’avisât des manifestations d’enchaînements organiques pour en tirer une vue du développement élémentaire qui

  1. On a pu remarquer que toute métaphysique d’une détermination de « logique » est, par moi, systématiquement écartée. Ce n’est pas qu’il n’y ait des lois du raisonnement. Mais le danger est beaucoup moins d’un syllogisme mal construit que d’un phénomène mal observé.