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l’évolution

monde organique et inorganique sont devant nous. Ou prendre le critère des interprétations ? Reportez-vous aux discussions des transformistes de toutes écoles, et vous verrez que, depuis Moïse, la question des dynamismes élémentaires n’a pu que se transposer. Cette fois, nous tenons la boussole : il reste à voyager.

Cependant, notre sacerdoce demeure prisonnier des affirmations qui précédèrent l’observation. Nous le voyons engagé dans la voie douloureuse où son principal supplice devrait être d’avoir supplicié. La métaphysique elle-même s’accroche au transformisme pour le défigurer. Suprêmes désespoirs des résistances superflues. L’Église a dû se résigner aux transformations géologiques de la planète. Elle doit se résigner maintenant aux évolutions de la vie. Et d’autres sacrifices encore lui seront demandés…

Eh oui, il a fallu des siècles dont on ne peut faire le compte, pour que l’homme, après s’être hâtivement prononcé sur lui-même et sur le monde, dans la pleine obscurité de son entendement, se décidât à regarder avant de dire, et même à se dédire, quand tout concourt à lui montrer qu’il a mal dit. Sous ses yeux, toute l’échelle d’une vie ascendante, jusqu’au représentant humain de la vie évoluée. Et cela même ne lui avait suggéré, jusqu’aux temps modernes, aucune tentative d’observations coordonnées. Il lui fallait des cloisons étanches entre tous les phénomènes du même ordre dont l’enchaînement irréductible se découvre aujourd’hui à tous les yeux. De sa propre autorité, il les a décrétés d’isolement. Le cristal, d’apparence immobile, ne déconcerte pas trop son parti-pris, malgré le degré d’individuation qui permet à « l’inorganique » lui-même de réparer ses blessures dans les données de ses coordinations. Mais la cellule vivante, « le phénomène vital » qui conduit, par tous degrés, dans la série « organique », jusqu’au développement humain, cela ne lui paraît pas mériter moins qu’un « miracle » supérieur, accompagné des « miracles » secondaires de la création isolée des espèces, dans l’invincible préjugé qu’aucun lien ne peut être reconnu entre des phénomènes que l’expérience élémentaire lui montre rigoureusement liés.

Quelle explication de ces rigoureuses séquences des processus communs de l’embryologie, de l’anatomie, de la physiologie, de la pathologie ? On ne se résout pas à les interroger. Que dire