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au soir de la pensée


Dynamismes d’évolution.


Mettons, en regard de l’homme schématique de la Bible, ce que nous montre de notre humanité présente la tangible observation des choses. À des degrés divers, les mêmes organes, les mêmes tissus, les mêmes plasmas, les mêmes éléments, les mêmes activités fonctionnelles, les mêmes combinaisons chimiques dans toutes les séries de la vie animale, homme compris. Une coordination à expliquer. Il faut éliminer le hasard, contradictoire à l’idée d’une Providence éternelle aussi bien qu’aux données de l’observation positive d’un enchaînement de phénomènes. J’écarte de même la ridicule « économie des moyens », absurde dans la Toute-Puissance, puisque cette considération n’aurait d’intérêt que pour un être de facultés limitées[1].

Le successif développement des organismes primitifs, affirmé et confirmé par toutes observations, atteste assez haut l’interdépendance des phénomènes dont l’enchaînement irréductible n’est explicable que par l’activité, sans arrêt, des « évolutions ». C’est le jeu même de l’évolution qui se rencontre ainsi à tous les degrés de l’engendrement organique, et même inorganique, en une articulation de mouvements qui attend encore la contradiction d’expérience que personne, jusqu’à ce jour, ne s’est avisé d’offrir.

Assurément, le phénomène général, reconnu dans ses grandes lignes, ne résout pas tous les problèmes de l’univers à la façon du mot de Providence devant lequel nous ne pouvons que nous abîmer. Loin de là, les innombrables problèmes de l’évolution, sous, toutes ses formes, ont ouvert un champ démesuré aux recherches des observateurs. L’orientation de la connaissance s’en trouve nécessairement changée. Tous les problèmes du

  1. Installés dans la création biblique, les adversaires de l’évolution n’en acceptent pas moins la légende sacrée qui inaugure la vie humaine par une déchéance, c’est-à-dire par la régression d’une évolution à rebours, tandis que l’observation, au contraire, nous conduit de l’anthropophage à saint François d’Assise.