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au soir de la pensée

nous ramèneront aux précédentes formations des mouvements stellaires et planétaires, selon les lois d’aujourd’hui et de toujours.

Que l’hypothèse de Laplace ait perdu de son premier lustre en cette affaire, cela n’est point pour étonner. Avec Kant, notre éminent compatriote n’en partagera pas moins l’honneur d’avoir entrevu, et même précisé, des directions évolutives du cycle mondial — si bien confirmées par les constatations expérimentales que les espaces inaccessibles à notre vue ne sauraient, eux-mêmes, y échapper. La prétendue faillite d’une science qui projette ses lumières au delà même de nos possibilités sensorielles, tandis que s’évanouissent les contes féeriques de la « Révélation », nous montre l’homme emporté par d’impérieuses activités évolutives, aux plus décisives justifications de sa connaissance positive.

Cela ne signifie pas que les hypothèses d’Arrhénius et de tant d’autres, succédant à celles de Laplace, et fondées, comme celles-ci, sur les interprétations mouvantes de lois reconnues, n’auront pas le même sort que les conceptions antérieures toujours soumises aux remaniements d’une observation qui ne pourra jamais être complètement achevée. Les récentes découvertes nous ont conduits si loin dans la pénétration des rapports du Cosmos qu’il nous faut céder à l’irrésistible besoin d’en tirer des amorces de coordinations supérieures, qui, sans jamais atteindre l’absolu de la compréhension (au cas où ce terme signifierait quelque chose), nous entraînent, sans relâche, à des formes, toujours plus précises, d’approximations. S’il ne nous plaît pas, pour cela, de nous perdre dans une apothéose de nous-mêmes, nous n’en aboutirons pas moins, avec ou sans Pascal, à nous grandir dans notre propre estime plutôt qu’à nous diminuer.

Cela dit, il ne peut être question d’entrer dans les calculs d’Arrhénius ou de tout autre, pas plus que dans ceux de Laplace. Le savant de nos jours dispose de moyens d’investigations merveilleusement accrus. Il n’est pas étonnant que des conclusions, déjà mûries, se présentent, auxquelles notre imagination elle-même n’aurait pu se prêter antérieurement.

On trouvera, dans l’Évolution des mondes, un puissant exposé des phases successives du refroidissement solaire, en symétrie avec les phases du refroidissement terrestre, malgré cette grave