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l’évolution

fait que devenir. Rien, dans l’univers, sous quelque aspect que nous l’envisagions, qui ne soit simplement de passage. Le phénomène humain, comme tous les phénomènes, ne peut être que le passage d’une composition provisoire d’éléments en éternels changements vers une composition prochaine. Vainement chercherions-nous le point d’arrêt d’un phénomène à l’autre. Rien ne se peut concevoir qui ne soit course à l’infini. Il a fallu créer le Dieu de l’homme pour obtenir, implicitement, un point de fixité. Encore avons-nous dû, pour l’emploi de notre Divinité, l’installer au cœur des mouvements humains. Mais le fameux « moteur immobile » n’a pu s’adapter à l’homme, pour lequel il était fait, qu’à la condition d’évoluer lui-même avec notre évolution On ne saurait compter les Dieux de l’histoire. Le christianisme s’est approprié le Dieu de la Bible. Combien loin des colères de jahveh à l’universelle rémission du Nazaréen ! Et quelle distance du Christ de la Rome actuelle à la douloureuse victime du Golgotha !

Les complexités de la trajectoire terrestre, le déplacement continu des pôles, ne sont que des modes de l’activité d’ensemble dans les compositions de laquelle notre existence est engagée. Les mouvements rythmiques de l’écorce terrestre déterminée par la chaleur solaire et par l’élasticité du globe planétaire, en réponse à l’attraction de la lune et du soleil, nous montrent des compositions de mouvements de superficie, compliqués des marées du magma central, et troublés par les explosions de nos volcans. La pesanteur affecte un fil horizontal, si bien qu’il soit tendu. Le rayon lumineux lui-même ne se propage pas rigoureusement en ligne droite. Nous l’avons figuré par la notion d’onde. « L’arête d’un cristal elle-même, écrit M. Berget, n’est pas une ligne droite »[1]. Et si les problèmes de l’arête d’un cristal, tout simples en apparence, nous apportent une vue des mobiles intrications de tous rapports, dans quel labyrinthe vont donc nous engager les activités combinées de la chaleur, de la lumière, de l’électricité, du magnétisme, de la radio-activité, de la vie enfin, dont nous avons bonnement résumé les surprises en un vocable de Divinité que, pour de trop justes causes, il a fallu nous interdire d’analyser.

  1. Berget, La Vie et la mort du globe.