Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 2.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
l’évolution

Si tout devient, quel peut être notre devenir planétaire ? Des cycles fermés quelque part, autant que nous arrivons à comprendre. Aux cycles astronomiques selon des lois déterminées, s’ajustent tous les développements d’énergie ordonnée, qui, aussi loin que notre observation peut atteindre, constituent les caractéristiques du Cosmos. Avec sa découverte de la gravitation universelle, Newton nous fit entrer, par la simplicité de ses formules, dans les rapports interastraux qui paraissent être la loi de l’univers sans fin, au delà même des limites ou la relativité de nos organes nous contraint de nous arrêter. Cela ne paraît pas d’un médiocre achèvement.

Si l’Église avait pu perpétuer à travers les âges l’affreux reniement de Galilée, notre connaissance des activités cosmiques s’arrêtait court, et le monstrueux rêve d’aveuglement était réalisé. Nous étions à jamais rivés dans l’infrangible chaîne du « divin », comme le Titan symbolique expiant sur son rocher l’audace de nous avoir ouvert les voies de la connaissance humaine. Ainsi, le plus haut moment des énergies cosmiques, cette concentration d’universelles résonnances passagèrement manifestées dans le phénomène de la conscience humaine et de la connaissance qui s’ensuit, se serait vu supprimé de l’ensemble des phénomènes mondiaux dont elle est la suprême représentation.

On est vraiment confondu de la folie d’une telle entreprise. Ni la Chine, ni l’Inde, ni la Grèce, ni même aucun dogme de sauvages ne poussèrent l’aberration jusqu’à vouloir reléguer l’esprit humain dans cette sinistre impasse. En dépit des condamnations imprécises d’Anaxagore et de Socrate, les grands peuples de l’histoire se proposèrent de déblayer les principales avenues de notre entendement dans la direction des premières lueurs aux frontières de l’inconnu. Rappelez-vous les fameux points d’interrogation du Véda. L’audace ingénue d’un doute, après la spontanéité d’une interprétation mythique du monde hors des données d’une expérience contrôlée. Il a fallu les débordements d’un verbalisme dévoyé pour défigurer l’aspect de l’univers par la substitution de rêves confus à l’expérience manifestée.

Ce que les professionnels du verbalisme n’ont pas encore pu comprendre, c’est qu’une telle entreprise, encore maintenue par la congrégation de l’Index (ridicule, sans l’appui du bourreau)