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l’atome

la comparaison des poids atomiques suggéra l’idée que les atomes des divers éléments pourraient n’être que des agrégats d’atomes de notre actuel hydrogène représentant l’unité de poids. Je ne saurais suivre ici la série des contrôles d’expérience où s’engagèrent nos observateurs pour la vérification de cette hypothèse[1].

Tout ce que je peux noter, c’est que les transformations de substances radio-actives paraissent aboutir à des substances chimiquement différenciées par la nature de leur rayonnement radio-actif. C’est ainsi que les plombs provenant de minéraux à uranium ont des poids atomiques inférieurs à ceux du plomb ordinaire, supposé terme ultime de la série radio-active. Corps « isotopes », dit-on, parce qu’ils sont placés au même point du classement chimique. Ce mot caractérise tout au moins un nouvel état de rapports. Il semble que nous ayons ainsi huit espèces d’étains, trois de magnésiums, six de mercures, etc., etc. La fragilité de l’hypothèse des corps simples ne fait plus beaucoup d’illusion. Une vieille lumière va s’éteindre. Une étoile nouvelle est en train d’apparaître[2]. Ouvrons les yeux. Ouvrons-les

  1. Le lecteur en trouvera l’indication dans un article de M. Ch. Nordmann (Revue des Deux Mondes, 15 avril 1924) dont l’audace scientifique se plaît aux super-généralisations.
  2. Tout comme notre physique, notre chimie est en voie de se renouveler. Le chimiste cherchant à isoler un nombre limité de substances élémentaires, a réussi à caractériser, à identifier environ quatre-vingts corps simples ou éléments, fortement individualisés quant à leurs propriétés physiques et chimiques, mais irréductibles à un constituant unique. Il est certain que depuis la découverte de la radio-activité, la théorie des constructions élémentaires est à refaire, puisque nous sommes en présence d’activités nouvelles. Le classement élémentaire qui nous est aujourd’hui proposé se fonde sur la notion d’isotopie où s’exerce l’effort scientifique du moment.

    Le terme ultime de la désagrégation spontanée des familles radio-actives, étant le plomb, on est conduit à admettre que l’élément plomb peut être un mélange de deux ou de plusieurs espèces atomiques identiques par leurs propriétés chimiques, mais distinctes par la masse atomique. Ces espèces jumelles occupent une même case de la classification : ce sont les corps « isotopes » c’est-à-dire groupés au même point du tableau.

    Chaque atome est, comme je viens de dire, constitué comme un système planétaire, presque toute la masse étant au centre dans un noyau prodigieusement dense, électrisé positivement. La masse résiduelle, très faible, est répartie en masses très ténues, électrisées négativement, qui sont animées d’un mouvement révolutif autour du noyau central sur une ou plusieurs orbites. Ce sont