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CHAPITRE III

LES HOMMES, LES DIEUX

Des lueurs.


Qu’est-ce donc, tout au fond, que le drame de l’homme, sinon de vouloir à tout prix maîtriser le mystère des choses —rerum cognoscere causas — par l’audace d’une main portée sur les ressorts des manifestations d’énergie ?

Aux premiers essais d’interprétations, ce mot d’énergie ne pouvait s’offrir pour répondre à une conception quelconque du monde ou de nous-mêmes. Nos abstractions n’étaient qu’à l’état d’une très vague ébauche, et l’usage n’en comportait que d’incertains profits. Aujourd’hui, en revanche, l’abstraction énergie représente la plus haute forme de généralisation que nous puissions atteindre. Encore, pour en arriver là, a-t-il fallu la reprendre à la personnalité divine dans le sein de qui, sous les espèces d’une volonté supérieure, nous l’avions d’abord installée en vue d’assurer les mouvements du Cosmos. L’énergie nous représente ainsi une dépersonnalisation de la Providence dont la règle devient de lois au lieu de volontés.

De matière et de mouvement Descartes faisait le monde en y accommodant d’assez graves mésinterprétations de la vie. Force et matière (pour employer une vieille formule), tel était, et tel est encore à peu près notre dernière synthèse de l’univers. Aujourd’hui, cependant, nos hommes de science en tiennent l’effort pour dépassé par une magnification supérieure de l’énergie souveraine dont je n’ai garde de médire, car tout le