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LE MONDE, L’HOMME

ce qu’en peut faire le métaphysicîen, c’est d’en fonder le mystère sur le mystère supérieur d’une entité, d’une âme, d’un souffle, d’une flamme, d’un on ne sait quoi, où des reflets d’éléments doivent se découvrir par le moyen de lunettes embrumées. Toutes les solutions de la métaphysique sont de pétitions de principe, c’est-à-dire de mots répondant à la question par la question.

Où est l’âme en tout cela ? Cherchez[1]. Cependant, du protozoaire à l’homme de nos jours s’échelonnent les égoïsmes organiques de toutes individuations de « Moi » à l’œuvre pour se développer aux dépens du milieu. C’est le sceau des relations imprescriptibles entre les existences les plus différenciées. Pour la conservation et les développements du Moi vivant, les activités des consensus d’interdépendance organique assureront les déterminations de la personnalité à tous degrés d’évolution.


Le « libre arbitre ».


Il est vrai, l’illusoire sensation d’indépendance que nous dénommons « libre arbitre », et qui tient uniquement à ce que les réactions déterminantes de la vie végétative échappent à notre sensibilité, ne peut que renforcer la conception d’un Moi absurdement affranchi des phénomènes. Aussi est-ce bien là que nous guette le métaphysicien, avec sa question classique du déterminisme et de la liberté.

— La personnalité, prononcera-t-il, ne saurait avoir la haute valeur que vous lui reconnaissez qu’à la condition d’une responsabilité de ses actes, ce qui ne se peut concevoir que dans la liberté des décisions.

Voyons donc ce que cela signifie.

Le libre arbitre de notre métaphysique aurait, d’abord le caractère d’un effet sans cause, c’est-à-dire d’une sorte de

  1. Le plus beau, c’est qu’il a fallu ressusciter le corps pour châtier l’âme, responsable mais soustraite aux châtiments pour cause d’immatérialité.